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France-Rwanda : « Le rapport Duclert représente une avancée vers la vérité »

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Une survivante du génocide près des cercueils qui contiennent des restes de victimes au Mémorial de Nyanza, avant un enterrement collectif à Kigali, le 2 mai 2019. Une survivante du génocide près des cercueils qui contiennent des restes de victimes au Mémorial de Nyanza, avant un enterrement collectif à Kigali, le 2 mai 2019.

Le rapport de la commission Duclert est arrivé par surprise, en pleine préparation des commémorations du génocide des Tutsi, qui commencent le 7 avril. « C’est un moment où la sensibilité des rescapés est à fleur de peau, confie au Monde Etienne Nsanzimana, président d’Ibuka France, la principale association de rescapés et de victimes. Ce rapport représente une avancée vers la vérité, même si le terme de “complicité” [de la France] est écarté. Maintenant, nous attendons des discours, des actes. »

« Puisque le rapport conclut à un ensemble de responsabilités lourdes et accablantes pour l’Etat français, j’attends des excuses, lâche Jeanne Allaire, membre de l’association. Il y a eu un million de morts et, parmi eux, mon père, ma sœur et trente autres membres de ma famille qui ont été massacrés. »

A Kigali, pas de coup de tonnerre. La classe politique est restée relativement silencieuse ce week-end, tandis que la presse locale s’est contentée d’articles factuels relayant la réaction officielle du gouvernement rwandais. Dans un bref tweet publié vendredi soir 26 mars, celui-ci salue « un pas important vers une compréhension commune du rôle de la France » et annonce la publication prochaine « d’un autre rapport d’enquête, commissionné en 2017 par le gouvernement rwandais et dont les conclusions viendront compléter et enrichir celles de la commission Duclert ».

Jusqu’ici, les autorités se montrent discrètes sur cette nouvelle enquête. Plusieurs sources proches du gouvernement assurent simplement qu’elle devrait « apporter des éléments nouveaux ». En 2008, Kigali avait déjà publié un rapport très controversé sur le rôle de la France dans le génocide : le rapport de la commission Mucyo. Le texte accusait la France d’avoir participé, dès 1992, à la formation des milices Interahamwe et alléguait que ses soldats avaient pris part à des massacres et des viols.

« On ne s’attendait pas à ça »

La conclusion du rapport Duclert ne correspond pas avec les éléments présentés dans le corps du rapport rwandais, selon Jean-Paul Kimonyo, chercheur et ancien conseiller du président, Paul Kagame. « En utilisant le même matériel, on pourrait arriver à une conclusion assez différente. Le rapport adopte une définition très étroite de la notion de complicité. Or, on peut être complice de génocide sans partager l’intention génocidaire », avance-t-il.

Comme de nombreux observateurs à Kigali, le chercheur assure qu’il y a depuis longtemps un consensus dans le pays quant à l’implication de la France avant et pendant les massacres. « Nous n’attendons pas de la France qu’elle nous dise ce qu’elle a fait. Nous le savons », conclut-il.

« C’est un pas dans la bonne direction par rapport à l’ancienne position de déni de la France, renchérit John Ruku-Rwabyoma, député du Front patriotique rwandais (FPR), le parti au pouvoir. Mais certaines personnes devraient répondre de leurs actes. Il faudrait également explorer la possibilité de compensations. »

En 2010, au cours d’une visite à Kigali, Nicolas Sarkozy avait reconnu « de graves erreurs d’appréciation et une forme d’aveuglement » de la France face au projet génocidaire. Le discours avait marqué un tournant dans les relations alors tendues entre Paris et Kigali. Mais la réouverture en France, en 2016, de l’enquête sur l’attentat précédant le début des massacres, et dans laquelle des proches de Paul Kagame avaient été visés par des mandats d’arrêt, avait été perçue par Kigali comme un nouvel affront.

La publication du rapport Duclert intervient dans un contexte de réchauffement diplomatique entre les deux pays. Vu du Rwanda, c’est une nouvelle main tendue du président Macron après son soutien à l’élection de l’ancienne ministre des affaires étrangères de Paul Kagame Louise Mushikiwabo à la tête de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et la désignation du 7 avril comme journée officielle de commémoration du génocide des Tutsi en France.

« La normalisation des relations n’était pas suspendue à la publication de ce rapport, mais cela va bien sûr booster un peu le processus, estime une source proche du gouvernement rwandais. La commission a des mots assez durs envers le gouvernement français de l’époque. Elle ne va pas jusqu’à reconnaître la complicité de génocide mais, très franchement, on ne s’attendait pas à ça. »

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