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EnquêteSous l’égide des Etats-Unis, vingt-sept pays, dont la France, participent à ce programme confidentiel dont l’objectif est de rassembler, de trier et d’exploiter, dans un immense « data center » en Jordanie, des millions d’éléments de preuve (fichiers, téléphones, traces ADN…) à l’encontre des djihadistes. « Le Monde » en révèle le fonctionnement.
C’est l’histoire d’une vaste guerre de données, organisée depuis plus de cinq ans, dans la chaleur tranquille de Jordanie. Un traque silencieuse mise en œuvre avec une méticulosité d’archiviste dans une base militaire américaine située au cœur du royaume hachémite. Objectif de ce travail de bénédictin : parvenir à recenser et à centraliser l’intégralité des traces laissées par les djihadistes de tous bords, partout dans le monde, afin de les poursuivre quoi qu’il advienne, potentiellement jusque devant les tribunaux.
Longtemps, ce projet hors norme, piloté par les Etats-Unis sous la férule du Pentagone, est resté totalement confidentiel. Au fil du temps, bien qu’il demeure classifié, il a fini par faire l’objet de brèves mentions de la part de sources officielles outre-Atlantique et de quelques confidences de services de renseignement relayées dans certains médias européens. Mais il n’a jamais été raconté en détail. Le Monde est aujourd’hui en mesure d’en dévoiler les origines, le fonctionnement et le nom de code : « Operation Gallant Phoenix » (OGP).
Il y a encore quelques années, ce programme aux allures de « Big Brother » des djihadistes aurait été impossible à mettre en œuvre. En matière de lutte antiterroriste, les services de renseignement ont toujours privilégié les échanges bilatéraux, de gré à gré. « Gallant Phoenix » est l’exact contraire. Les pays qui ont fait le choix d’en être partenaires, à partir de 2016, peuvent venir y piocher tout ce dont ils ont besoin, quand ils le souhaitent. Le partage d’informations se veut, en outre, à double sens. Ils peuvent en retour y verser tous les éléments récoltés ou exploités de leur côté.
Les données de OGP ne sont pas comme les autres. Il s’agit de ce que les spécialistes appellent des « preuves de guerre ». En clair, de tout ce qui a pu être laissé comme traces sur la Toile et les réseaux sociaux ou abandonné sur le terrain par des groupes djihadistes, ou encore retrouvé sur eux quand ils ont été faits prisonniers.
Initialement centrés sur les combattants d’Al-Qaida et de l’organisation Etat islamique (EI) dans la zone irako-syrienne, les filets de « Gallant Phoenix » peuvent s’étendre maintenant à toutes leurs filiales, jusqu’en Afghanistan, au Yémen, en Libye et ailleurs en Afrique, notamment dans la bande sahélo-saharienne.
Exploiter la folie administrative de l’EI
Les principaux contributeurs de cette vaste collecte sont tous ceux qui, à un titre ou à un autre, dans un cadre militaire, se sont retrouvés les deux pieds dans le bourbier irako-syrien ces dernières années : l’armée irakienne, les forces kurdes, ainsi que bon nombre de forces spéciales de pays engagés dans la coalition internationale (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, etc.). Au cours de leurs opérations respectives, tous ont eu maintes occasions d’amasser boîtiers, puces ou documents. Dans le cadre d’assassinats ciblés, les forces spéciales sont même rodées à l’exercice, avec des procédures précises de recueil de ces preuves, photos et rapports à l’appui.
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