Alors que Cuba vit sa pire crise économique en près de 30 ans, le congrès du parti communiste, qui marque le départ de Raul Castro, aura aussi pour tâche d’accentuer les réformes vers une plus grande ouverture au privé.
Organisé normalement tous les cinq ans, ce rendez-vous des hautes sphères du pouvoir cubain aura lieu du 16 au 19 avril, après une année catastrophique pour l’île, dont le PIB a connu sa pire chute depuis 1993 (11%).
Ces derniers mois, le gouvernement du président Miguel Diaz-Canel met l’accélérateur sur les réformes pour moderniser l’économie, minée par les sanctions américaines, la pandémie de coronavirus et les lourdeurs bureaucratiques de son modèle socialiste.
Un empressement qui « n’est pas tant dû à l’approche du 8e congrès, mais plutôt au fait que l’économie est dans une situation critique », explique à l’AFP l’économiste Omar Everleny Pérez, du Centre chrétien de réflexion et dialogue.
Selon la Constitution, le parti communiste cubain (PCC) « est la force politique dirigeante supérieure de la société et de l’Etat » et ses congrès donnent le la des cinq prochaines années.
Mais après le désastre provoqué par l’effondrement de l’Union soviétique, les autorités avaient laissé passer 14 ans entre le 5e congrès, en 1997, et le 6e, en 2011. Ce dernier avait marqué le coup d’envoi, sous l’impulsion du président Raul Castro (devenu alors également premier secrétaire du PCC), de l’ouverture de l’économie au secteur privé.
Son slogan, à l’époque? Mener les réformes « sans faire de pause ni aller trop vite ».
– Bilan mitigé –
Alors qu’il laisse son siège au président Diaz-Canel au congrès d’avril, les économistes tirent un bilan mitigé de ce processus.
« Jusqu’en 2019, l’application des réformes a été partielle, décousue et contradictoire », tranche l’économiste cubaine Jacqueline Laguardia, de l’université West Indies (Trinité et Tobago), dans un récent article.
Signe de la volonté d’aller plus vite, le gouvernement a lancé début janvier une vaste réforme visant à unifier les deux monnaies locales tout en revalorisant fortement salaires, retraites et prix à la consommation: un véritable tsunami pour les habitants, encore un peu perdus face à l’ampleur des changements.
L’objectif est de rendre l’économie plus lisible aux yeux des investisseurs étrangers et plus efficace à l’exportation.
Autre pas en avant: la récente ouverture de la majorité des activités économiques au secteur privé (hormis des domaines-clés comme la presse, la santé, l’enseignement), auparavant limité à une liste stricte. Déjà 600.000 Cubains travaillent dans le privé – 13% de la population active -, dans cette île de 11,2 millions d’habitants.
Ricardo Torres, économiste de l’université de La Havane, ne cache pas son impatience: « En réalité, il reste beaucoup de choses à faire », comme « la mise en place d’un cadre légal pour les PME, les coopératives et les associations ».
Et « il n’a toujours pas été adopté de loi des faillites, ni de législation permettant la transformation efficace de l’entreprise d’Etat », ajoute-t-il, regrettant que « le système bancaire et financier n’ait pas été modernisé et diversifié pour accompagner la croissance du secteur privé ou les projets agricoles ».
– Modèle vietnamien –
Sans oublier « la question essentielle à Cuba », souligne Omar Everleny Pérez: « la pénurie de biens, surtout d’aliments ».
Dans cette île qui importe 80% de ce qu’elle consomme, les files d’attente, déjà récurrentes avant la pandémie, se sont considérablement aggravées et chaque jour des foules de Cubains patientent de longues heures, dès l’aube, face aux supermarchés.
A l’horizon, peut-être faut-il envisager… un changement de modèle.
« Après le congrès d’avril, on ne pourra pas continuer sur un modèle tellement marqué par la politique et l’idéologie, comme c’était le cas ces 60 dernières années », estime M. Pérez, qui invite à regarder en direction du Vietnam, système qu’il juge plus adapté à Cuba que le chinois.
« On doit en profiter et comprendre pourquoi les Vietnamiens ont cette réussite, avec la même idéologie » que Cuba. Une réussite qu’il attribue « à l’importance qu’ils ont donnée au marché et comment ils l’ont inclus dans le nom de leur modèle, un socialisme de marché ».
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