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Covid-19 : à l’île Maurice, un second confinement qui fragilise les plus démunis

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Lise Payde devant sa case en tôles à Albion, village situé la côte ouest de l’île Maurice, en mars 2021. Lise Payde devant sa case en tôles à Albion, village situé la côte ouest de l’île Maurice, en mars 2021.

Accroupie au sol, Lise Payde s’applique à faire cuire du riz sur un feu de bois pour économiser sa bonbonne de gaz ménager. La sexagénaire s’attelle ensuite au nettoyage des « brèdes malbar », ces feuilles d’amarante qui poussent comme de la mauvaise herbe sur les terrains en friche d’Albion, son village situé la côte ouest de l’île Maurice. Cuite à l’étouffée, cette plante, quoique amère, accompagnera ses repas jusqu’à la première semaine d’avril, lorsqu’elle touchera sa pension de vieillesse.

Sans ressources, l’ancienne ouvrière agricole montre son garde-manger. Il ne lui reste qu’un pot de confiture à moitié vide et une boîte de margarine déjà bien entamée. Ils faisaient partie du pack d’aide alimentaire offert par l’organisation Caritas lorsqu’un reconfinement national a été décrété mercredi 10 mars.

Cinq jours plus tôt, des cas autochtones de Covid-19 avaient été découverts sur l’île de l’océan Indien. Depuis, leur nombre ne cesse d’augmenter : lundi 22 mars, 202 cas positifs étaient diagnostiqués. Les rassemblements religieux et culturels sont désormais interdits. L’espace aérien est de nouveau fermé. L’ouverture des commerces, comme les supermarchés, est quant à elle autorisée par rotation.

Même si Canot, un village avoisinant, a été déclaré zone rouge vendredi soir, Lise Payde craint davantage la faim que le Covid-19. Dans sa case en tôles rouillées, dépourvue d’électricité et d’eau courante, elle attend le versement de sa pension pour pouvoir reconstituer son stock de nourriture et apporter un soutien à son fils de 26 ans, aide chauffeur, aujourd’hui sans emploi.

Cuisiner pour les plus pauvres

Robert Pierre-Louis, 40 ans, survit lui aussi grâce à la générosité de ses parents chez qui il est retourné vivre à Riche-Terre, une localité proche de Port-Louis, la capitale. Professionnel de l’événementiel, il n’a plus de travail depuis un an et demi. Marié et père d’un enfant, il n’était éligible à aucune aide lors du premier confinement, au printemps 2020, car il était déjà au chômage. Il était censé prendre un emploi dans une société de nettoyage le mercredi 10 mars, mais la seconde vague de coronavirus l’en a empêché.

« De nombreux journaliers ont perdu leur emploi, insiste l’imam Arshad Joomun. L’Etat les a tout simplement oubliés. » Ce membre du Conseil des religions distribue ces jours-ci des vivres à travers la M-Kids Association dans différentes localités du nord de l’île. Les bénévoles actifs auprès des plus démunis s’étonnent des propos de la ministre de la sécurité sociale, Fazila Jeewa-Daureeawoo, qui a indiqué le 16 mars qu’aucune distribution de nourriture n’avait été prévue pour ce nouveau confinement, les épiceries n’étant restées fermées que 24 heures. 

« Mais s’est-elle assurée que tout le monde peut y faire ses emplettes ? », lance Delphine Ahnee, porte-parole de la plate-forme citoyenne Drwa à enn lakaz qui milite en faveur des Mauriciens sans logement. « Avant, certaines épiceries de quartier faisaient crédit aux clients. Tel n’est plus le cas depuis le premier confinement. Des volontaires se relayent pour cuisiner des plats pour les plus pauvres », insiste-t-elle.

Si l’île Maurice fait partie des pays les plus riches d’Afrique en termes de revenus par habitant, 8 % de la population vit toujours sous le seuil de pauvreté selon les dernières données disponibles. Et la crise sanitaire a durement impacté l’économie du pays, très dépendante du tourisme : le produit intérieur brut a dégringolé de plus de 15 % en 2020.

Vacciner 60 % des habitants de Port-Louis

Xavier-Luc Duval, le leader de l’opposition, déplore la disparité dans le soutien de l’Etat. Alors que les fonctionnaires continuent à percevoir leur salaire, tout comme une majorité de salariés du secteur privé, les travailleurs indépendants ne peuvent prétendre qu’à une somme fixe proche du salaire minimal.

Cet ancien premier ministre adjoint accuse aussi la majorité d’avoir échoué à mettre en place un système d’alerte gradué vis-à-vis du Covid-19. « Quand il y a eu le premier cas de contamination début mars, les rassemblements publics n’ont pas été interdits », rappelle-t-il.

Si le responsable politique affirme que la campagne de vaccination, lancée fin janvier, accuse du « retard », 92 954 Mauriciens avaient tout de même déjà reçu, samedi 20 mars, une dose d’AstraZeneca. Soit 7 % d’une population d’1,3 million de personnes. A terme, Port-Louis entend vacciner 60 % des Mauriciens grâce à des doses d’AstraZeneca et de Covaxin fournies par l’Inde, des dons chinois et des achats de vaccins auprès des Russes. « L’idéal serait d’atteindre cet objectif en juillet », glisse le premier ministre adjoint Steven Obeegadoo qui détient aussi le portefeuille du tourisme.

Bébés, enfants et adolescents infectés

Ainsi, l’île pourrait envisager de rouvrir complètement ses frontières et relancer l’industrie touristique. Après les avoir fermées en mars 2020, le gouvernement avait mis sur pied à l’été un plan de réouverture progressive du pays. Il invitait alors les étrangers à venir télétravailler au soleil, pour une durée d’un an grâce à un « visa premium », vantant une île « Covid Safe ». Les seuls cas positifs étaient alors recensés parmi les voyageurs, systématiquement placés en quatorzaine à leur arrivée.

Comment cette deuxième vague a-t-elle débuté ? Nul ne le sait encore. La pandémie n’a fait officiellement que dix morts à Maurice, mais de nombreux patients, lors de la première vague, s’étaient retrouvés en réanimation. Aujourd’hui, les cas sont en majorité asymptomatiques et un seul malade a pour l’instant nécessité une assistance respiratoire. Des tests de séquençage, en cours en Afrique du Sud, doivent révéler si l’île est exposée au variant britannique ou sud-africain.

Le docteur Catherine Gaud, immunologiste française et conseillère spéciale du gouvernement sur le Covid-19, appelle toutefois à la vigilance. Elle souligne que de nombreuses personnes infectées sont jeunes, notamment des bébés, des enfants en bas âge et des adolescents : « Il faut être prudent, même si les patients sont en bonne santé. On n’est qu’au début de cette épidémie qui circule depuis fin janvier. »

Le confinement, censé prendre fin jeudi 25 mars, devrait être étendu, de nouveaux cas étant répertoriés quasiment quotidiennement. Pour le lever, les autorités attendent qu’aucune contamination ne soit signalée dans un délai de quinze jours.

Source

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