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Publié le : 22/03/2021 – 18:51Modifié le : 22/03/2021 – 19:47
Le spécialiste français de la Chine, Antoine Bondaz, est dans le collimateur de l’ambassadeur de Chine en France, Lu Shaye. Il a été traité de “petite frappe” et de “hyène folle”, après avoir fait un commentaire sur Taïwan. Il revient, pour France 24, sur cette situation inédite.
Il est le premier universitaire à subir personnellement l’ire d’un ambassadeur chinois. Antoine Bondaz, spécialiste français de la Chine et de l’Asie à la Fondation pour la recherche stratégique, lui-même non avare de critique envers Pékin sur Twitter, a été qualifié de “petite frappe”, de “troll idéologique” et de “hyène folle” ces derniers jours.
Le ministère français des Affaires étrangères a réagi, lundi 22 mars, à ces propos tenus contre Antoine Bondaz ainsi que plusieurs députés. « Les insultes contre des chercheurs indépendants et la polémique avec des élus de la République sont inadmissibles et n’ont aucune place dans les relations que l’ambassade de Chine est chargée de contribuer à développer entre la France et la Chine », a déclaré la porte-parole de la diplomatie française, en annonçant qu’elle allait convoquer l’ambassadeur chinois Lu Shaye pour le lui signifier. Elle a aussi jugé « inacceptables » les sanctions décidées par Pékin contre dix Européens.
Le nom du chercheur français ne figure pas sur cette liste d’individus interdits d’entrer sur le sol chinois. Pour lui, le déluge de mots doux a commencé sur Twitter vendredi 19 mars. Antoine Bondaz a, d’abord, eu droit à un “petite frappe” en réponse à un message dans lequel il soulignait le feu vert du Quai d’Orsay à une visite de parlementaires français à Taïwan. Un sujet non seulement des plus sensibles pour Pékin, qui considère Taïwan comme une partie intégrante de la Chine et voit d’un très mauvais œil toute initiative tendant à légitimer l’autonomie taïwanaise.
De plus, Antoine Bondaz a lancé, dans son tweet, un “un gros, gros bisous à vous qu’ainsi qu’à vos trolls”, en réference aux nombreux comptes Twitter pro-Pékin dont l’activité principale consiste à amplifier le message des autorités chinoises. Cette familiarité n’a visiblement pas plu à Lu Shaye.
Le quotidien Global Times s’en mêle
À la suite de ce premier échange, Antoine Bondaz, un spécialiste reconnu de la Chine et de la péninsule coréenne qui intervient régulièrement sur France 24, a reçu de nombreux soutiens de personnalités dénonçant le ton fort peu diplomatique adopté par l’ambassade chinoise. “Rarement a-t-on vu des diplomates faire autant de tort à l’image de leur pays. Brutale, grossière, voilà la Chine que vous montrez“, a, par exemple, estimé Nathalie Loiseau, députée européenne LREM et ancienne secrétaire d’État chargée des affaires européennes d’Emmanuel Macron.
Peu impressionnés par ce front pro-Bondaz, les diplomates chinois en France ont décidé de jouer la carte de la surenchère. Dans un long communiqué, publié dimanche 21 mars, l’ambassade assure être la victime d’un “harcèlement” constant du chercheur français. Elle n’aurait fait que répondre aux “provocations” de cette “hyène folle”. Ils l’accusent aussi d’être un “troll idéologique”, à l’impartialité toute relative qui se “prosterne” devant les autorités taïwanaises.
Mais Twitter n’a pas suffi à Pékin pour exprimer sa “répugnance” à l’encontre d’Antoine Bondaz. Le quotidien chinois Global Times s’est emparé du sujet dans son édition anglophone, lundi 22 mars, donnant à l’affaire une dimension internationale. Le chercheur français y est dépeint comme “un extrémiste” épousant la propagande anti-chinoise des faucons américains.
Contacté par France 24, Antoine Bondaz note qu’il “était prévisible que travailler sur des sujets sensibles pour les autorités chinoises, comme Taïwan, m’exposerait un jour ou l’autre à des attaques”. Le chercheur dirige, en effet, le programme “Taïwan, sur la sécurité et la diplomatie” de la Fondation pour la recherche stratégique depuis janvier 2021.
Un ambassadeur peu diplomatique ?
Ce serait d’autant plus prévisible que l’ambassadeur Shaye Lu passe pour être l’un des plus fervents promoteurs de la diplomatie des “loups soldats”. Ce concept désigne l’attitude menaçante et agressive adoptée par une partie de la jeune garde diplomatique du président chinois Xi Jinping.
Le diplomate, en poste en France depuis 2019, s’était déjà fait connaître pour son “franc parler” lorsqu’il était ambassadeur de Chine au Canada. Il y avait géré la crise déclenchée par l’arrestation de la directrice financière de Huawei sur le sol canadien, en 2018, en multipliant les sorties incendiaires. Il avait notamment accusé des médias locaux de relayer “le suprémacisme blanc”, suggérant que la dirigeante chinoise n’était pas traitée avec les mêmes égards qu’envers les ressortissants “occidentaux”.
Depuis son arrivée en France, il a aussi été convoqué par le ministère des Affaires étrangères, en avril 2020, pour une sortie sur le personnel des Ehpad qui aurait “abandonné leur poste” en pleine épidémie de Covid-19. Le diplomate s’est ensuite défendu en assurant que ces propos ne visaient pas la France.
L’ambassade chinoise en France a d’ailleurs assumé le ton agressif employé à l’encontre d’Antoine Bondaz en faisant une référence à peine voilée aux “loups soldats” dans l’un de ses tweets. “Il y a des gens qui souhaitent voir la diplomatie chinoise devenir une diplomatie d’’agneaux’, qui encaisse les attaques sans broncher. Cette époque est bel et bien révolue !”, pouvait-on lire sur le fil twitter de l’ambassade, lundi matin.
Mais pour Antoine Bondaz, ces attaques sont d’une autre nature que les traditionnelles sorties des “loups soldats” de Xi Jinping. “Aucune autre ambassade chinoise en Europe n’est allée aussi loin, car il ne s’agit pas seulement de l’affirmation musclée des intérêts chinois, mais d’une tentative d’imposer les sujets qui peuvent ou non être discutés sur la place publique”, affirme-t-il.
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