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Editorial. La première rencontre sino-américaine à haut niveau depuis l’arrivée au pouvoir de l’administration Biden, organisée les 18 et 19 mars à Anchorage, en Alaska, n’était pas supposée produire d’avancées concrètes. Elle devait néanmoins permettre aux deux puissances de se jauger, dans une relation qui s’affirme comme l’axe géopolitique structurant de la décennie. De ce point de vue, le face-à-face a été on ne peut plus instructif.
Les discussions ont été « dures et directes », a reconnu, vendredi, un haut responsable américain. Les entretiens, qui ont réuni d’un côté le secrétaire d’Etat Tony Blinken et le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan, et de l’autre Yang Jiechi, membre du bureau politique du Parti communiste chinois, chargé de la politique extérieure, et le ministre des affaires étrangères Wang Yi, avaient commencé, la veille, par des échanges d’une franche hostilité, en présence des journalistes.
Les Américains ont accusé la Chine de « menacer la stabilité mondiale » et d’« attaquer les valeurs fondamentales » en organisant un « génocide » au Xinjiang, par sa politique répressive au Tibet ou à Hongkong et ses attaques dans le cyberespace. Les Chinois ont riposté en dénonçant la « condescendance » des Américains, qui « ne sont pas qualifiés pour dire qu’ils veulent parler à la Chine en position de force » et feraient bien de commencer par balayer devant leur porte. Les citoyens des Etats-Unis eux-mêmes, ont-ils avancé, n’ont plus « confiance » dans cette « démocratie américaine » que Washington veut imposer, comme en témoigne le mouvement antiraciste Black Lives Matter.
Une stratégie à deux piliers
Comme le président Biden, MM. Blinken et Sullivan savaient sans doute à quoi ils s’exposaient en décrétant de nouvelles sanctions contre la Chine deux jours avant cette rencontre, pour condamner la répression des militants prodémocratie à Hongkong. La nouvelle administration démocrate veut se montrer intraitable sur les violations des droits de l’homme, et M. Biden s’est dit « fier » de la performance de Tony Blinken. Mais leurs interlocuteurs chinois ne se limitent plus aux propos aigres-doux diplomatiques habituels : ils se posent en représentants d’un système alternatif à la démocratie libérale. Ils n’entendent pas laisser à Washington le monopole du modèle mondial et contestent d’ailleurs la légitimité des Etats-Unis à s’ériger en leader. Les Etats-Unis, a déclaré Yang Jiechi, « ne représentent pas l’opinion publique internationale, pas plus que le monde occidental ».
Face aux régimes autoritaires, c’est là le défi pour Joe Biden, qui a appuyé sa diplomatie sur deux piliers, les valeurs et les alliés : porter haut et fort ces valeurs lorsque l’on est soi-même à la tête d’une démocratie fragilisée. Le président Vladimir Poutine, qui a déjà proclamé « le libéralisme obsolète » il y a deux ans, a d’ailleurs invité le président américain à un débat en direct – lui qui n’a jamais voulu débattre avec un candidat à l’élection présidentielle russe. M. Poutine réagissait aux propos de M. Biden, qui a reconnu qu’il considérait le chef du Kremlin comme un « tueur » dans une interview à ABC, à la suite de quoi Moscou a rappelé son ambassadeur à Washington pour consultations.
Le langage de la fermeté ne suffira pas. L’administration Biden doit en effet travailler avec ses alliés pour réduire les dépendances occidentales dans les chaînes de valeur, mais aussi renforcer et renouveler les institutions démocratiques des pays du monde libre. Un travail de longue haleine.
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