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Véhicules pleins à craquer, habitants entassant leurs affaires jusque sur les toits, embouteillages… Après plus d’un mois de répression meurtrière, c’est l’exode à Rangoun. Un des principaux axes pour sortir de la capitale économique de Birmanie était totalement congestionné vendredi 19 mars, d’après des images diffusées par un média local.
Près de 230 civils ont été tués dans tout le pays depuis le coup d’Etat militaire du 1er février qui a renversé Aung San Suu Kyi. Le bilan pourrait être beaucoup plus lourd, des centaines de personnes arrêtées ces dernières semaines sont détenues au secret et portées disparues. Vendredi, la BBC a annoncé la disparition de l’un de ses correspondants, un journaliste birman de son service local, à Rangoun. « Nous sommes très inquiets à propos de notre reporter Aung Thura, qui a été emmené par des hommes non identifiés », a indiqué le média britannique sur son compte Twitter officiel.
Deux des cinq millions d’habitants que compte Rangoun sont soumis à la loi martiale. Et certains quartiers sont tombés dans le chaos, des manifestants lançant des projectiles et des bombes à essence sur l’armée et la police, qui tirent à balles réelles. Conséquence : les habitants fuient en nombre par tous les moyens possibles.
Des habitants tiraillés entre la peur et la solidarité
« Je rentre chez moi dans l’Etat de Rakhine, dans l’ouest du pays, a confié à l’Agence France-Presse une jeune femme qui a, elle, décidé de prendre le bus. Je ne dors plus la nuit. Dans mon quartier, les forces de sécurité ont enlevé des gens et les ont torturés. »
Thousands of people are deserting Yangon, the most vibrant city, as brutal crackdown, physical and psychological in… https://t.co/NIhCOXE3Op
Sur les réseaux sociaux, beaucoup d’internautes encourageaient la population à partir car « la situation dans la ville est effrayante », mais certains les imploraient de rester par « solidarité ». « C’était beaucoup trop stressant de vivre à Rangoun », a confié un jeune orfèvre qui a réussi à gagner Kyaukpyu, une ville côtière à plus de 600 kilomètres de là.
De l’autre côté de la frontière, les autorités thaïlandaises se préparent à recevoir un afflux de réfugiés. « Nous sommes en mesure d’en accueillir de 30 000 à 50 000 », a déclaré le gouverneur de la province de Tak, Pongrat Piromrat.
Quelque 90 000 réfugiés birmans vivent déjà le long de la frontière poreuse de 1 800 kilomètres qui séparent les deux pays, après avoir fui des décennies de guerre civile entre l’armée et des factions rebelles. Des Birmans ont également gagné ces dernières semaines l’Inde voisine.
Parlement fantôme
La répression ne se limite pas à Rangoun. Vendredi, au moins deux manifestants ont été abattus dans le centre du pays, d’après un employé des pompes funèbres qui craint un bilan plus lourd. « Meurtres, tortures, destructions de maisons et autres biens privés, pillages » : les tactiques déployées par l’armée sont de plus en plus violentes, déplore l’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP). Les militaires « insufflent un climat de peur et de subordination », ajoute l’ONG, qui fait un point quotidien sur la situation. Des habitants sont aussi forcés, sous la menace d’armes à feu, de détruire les barricades de fortune érigées par les manifestants contre les forces de sécurité, d’après plusieurs témoignages.
La Birmanie se referme chaque jour davantage. Les connexions Internet mobiles sont toujours coupées et seuls les médias d’Etat couvrent désormais la crise. Les arrestations s’enchaînent, avec plus de 2 200 personnes interpellées depuis le coup d’Etat, notamment au sein du parti d’Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie (LND). Dernières en date, celles de Kyi Toe, chargé de l’information, et d’un autre responsable du mouvement, a-t-on appris auprès d’un ex-député LND. le Comité représentatif du Pyidaungsu Hluttaw (le nom du Parlement bicaméral birman)
Beaucoup de députés LND sont passés à la clandestinité, et certains d’entre eux ont formé un parlement fantôme, le Comité représentatif du Pyidaungsu Hluttaw (CRPH), nom du Parlement bicaméral l’organe birman. Le vice-président du CRPH, Mahn Win Khaing Than, et son « envoyé spécial » auprès de l’ONU, le « docteur Sasa », ont été inculpés pour « haute trahison », un crime passible de vingt-deux ans de détention.
Le représentant permanent de la Birmanie aux Nations unies, qui s’est publiquement désolidarisé de la junte, a déclaré qu’un comité rassemblant des parlementaires évincés par l’armée réfléchissait aux moyens de rendre les personnes commettant des violences responsables de leurs actes. « Saisir la CPI [Cour pénale internationale] est un des moyens envisageables », a annoncé Kyaw Moe Tun lors d’un événement à New York. « Nous nous devons d’étudier tous les moyens à notre disposition pour porter le dossier devant la Cour. »
L’ONU appelle la population à collecter des preuves sur les exactions de la junte
Mercredi 17 mars, des enquêteurs de l’ONU avaient lancé un appel à la population birmane pour qu’elle collecte et conserve des preuves sur les exactions commises par l’armée depuis le coup d’État du 1er février, afin de constituer de futurs dossiers contre ses dirigeants. A Genève, les experts des droits de l’homme de l’ONU envisagent que les Etats puissent s’appuyer sur le principe de la compétence universelle pour poursuivre les soldats « responsables d’actes pouvant constituer des crimes contre l’humanité ».
Mais les généraux continuent de faire la sourde oreille aux multiples condamnations internationales et font fi des sanctions imposées par les Etats-Unis, l’Union européenne et le Royaume-Uni. Bruxelles va annoncer lundi de nouvelles mesures coercitives sur les intérêts économiques de militaires ciblés, a appris vendredi l’AFP auprès du ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
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