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Il est omniprésent. A Brazzaville comme dans les villages les plus reculés de la République du Congo, son visage placardé partout affiche le même sourire confiant, le même air goguenard. Mur après mur, des dizaines de paires d’yeux fixent les passants, les exhortent à « poursuivre la marche », à opter pour « le changement dans la continuité ». A 77 ans, dont presque trente-sept à la tête de la République du Congo, Denis Sassou-Nguesso brigue dimanche 21 mars un quatrième mandat. Et, contrairement aux apparences, il n’est pas le seul candidat.
Face à l’indéboulonnable président congolais, six hommes mènent une campagne discrète : les deux anciens ministres Guy-Brice Parfait Kolélas et Mathias Dzon, le député Joseph Kignoumbi Kia Mboungou, l’ancien officier Albert Oniangué, l’inspecteur des douanes Anguios Nganguia Engambé, et le benjamin, Dave Mafoula, 38 ans, sans étiquette. Dans les grandes villes, on croise parfois leur nom au détour d’une affiche. Pas de pick-up, de mégaphone tonitruant ou de distribution massive de tee-shirts pour ces presque invisibles.
Peu importe. Le scrutin du 21 mars suscite peu d’enthousiasme. A l’exception des militants de la formation au pouvoir, le Parti congolais du travail (PCT), la plupart des Congolais sont résignés. Critiquant les conditions d’organisation du scrutin, et « l’impossibilité de garantir la crédibilité et la sincérité des résultats », l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (Upads), principale formation d’opposition du pays, n’a en effet présenté aucun candidat. « Tant que Denis Sassou-Nguesso est en vie, il n’y a rien à faire si on veut le changement », résume Jean, un fonctionnaire.
« L’Empereur »
L’abstention, faute de suspens, s’annonce donc élevée. « Je n’ai jamais voté parce qu’on connaît le résultat à l’avance ! », soupire David, 34 ans, sans emploi. Et comme le souligne Séraphin, un chauffeur de taxi de Pointe-Noire, « il n’y a pas d’opposant solide, aucun enjeu. Les vrais opposants sont ceux qui refusent de participer ». Les manifestations sont interdites en raison de la pandémie de Covid-19 depuis 2020.
L’ambiance était tout autre lors de la dernière élection présidentielle, en 2016. Porté par la contestation née en 2015 contre le remaniement de la Constitution permettant au président de briguer un troisième mandat, le général Jean-Marie Michel Mokoko avait réussi à mobiliser un grand nombre de Congolais derrière lui. Mais, après avoir appelé à contester la réélection de « l’Empereur », l’opposant a été arrêté et condamné à vingt ans de prison en 2018 pour « atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat ». Un autre ex-candidat, André Okombi Salissa, purge la même peine pour le même chef d’accusation.
Les arrestations se sont à nouveau multipliées à l’approche du scrutin. Le directeur de la publication du journal satirique Sel Piment est incarcéré depuis février pour avoir diffamé la femme d’un proche du pouvoir. Début mars, le docteur Alex Dzabana, militant des droits humains, a été interpellé à son domicile. Selon le ministère de la communication, les services de renseignement disposeraient d’éléments permettant de l’inculper pour tentative de déstabilisation des institutions.
Un tel rétrécissement de l’espace démocratique inquiète. Evoquant un fichier électoral « qui comporte des personnes décédées », l’épiscopat congolais a d’ores et déjà dit craindre des fraudes. Les religieux ont demandé à pouvoir envoyer des observateurs dans les bureaux de vote pour vérifier les procès-verbaux. Une requête qui leur a été refusée par les autorités.
« L’Eléphant »
Pour pallier leur absence, des centaines de citoyens déployés par le collectif Tournons la page ont annoncé qu’ils veilleraient. « On veut publier les vrais chiffres qui sortiront des urnes. Si on n’est pas écouté par nos dirigeants, on a besoin de l’appui des grandes démocraties pour faire pression », explique Blaise Mackosso de la commission Justice et Paix, une organisation catholique de défense des droits humains. Le militant souhaiterait que Paris se montre un peu plus tatillonne. « Pourquoi la France condamne si promptement Maduro au Venezuela ou Loukachenko en Biélorussie lorsqu’il y a des élections frauduleuses, alors qu’elle ne dit rien chez nous ? », s’interroge-t-il.
Ailleurs, des critiques ont commencé à s’élever. Le Fonds monétaire international (FMI), qui avait approuvé un programme de prêt de 449 millions de dollars sur trois ans en 2019, a gelé ses versements en 2020 en demandant au Congo de renégocier sa dette contractée auprès des traders pétroliers et de faire des efforts de transparence. La dette du troisième pays producteur de pétrole en Afrique subsaharienne représentait en 2020 plus de 100 % de son PIB, dont une partie dissimulée. Des ONG dénoncent régulièrement la corruption qui empêcherait le pays de bénéficier des revenus tirés de ses ressources naturelles.
Or le Congo, dont la majorité des ressources dépend de l’or noir, a besoin de ces prêts pour sortir de la crise économique qu’il connaît depuis 2014 et la chute du prix du baril de pétrole. Le pays est en récession et le taux de pauvreté a gagné trois points depuis 2019. Avec l’arrivée du Covid-19 et la baisse de la demande en pétrole, le FMI a estimé la baisse du PIB à 8 % pour 2020.
« L’Eléphant » Denis Sassou-Nguesso, comme il est surnommé au Congo, continuera-t-il à gouverner jusqu’en 2031, comme la loi fondamentale l’y autorise ? Pour son porte-parole Anatole Collinet Makosso, la question se posera le moment venu, mais « tant que nous avons ce leader charismatique, et en pleine possession de ses moyens, pourquoi se priver ? » Il aurait alors 87 ans et cumulerait 47 années au pouvoir.
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