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EnquêteAlors que resurgissent les débats sur la mémoire de cette période, la question des agressions et tortures sexuelles commises de manière quasi systématique par certains soldats français demeure l’angle mort des recherches historiques dans les deux pays.
C’est l’histoire d’un tabou qui n’aurait peut-être jamais été brisé sans le courage d’une femme. Pour en prendre la mesure, il faut remonter au 20 juin 2000. Ce jour-là paraît dans Le Monde un témoignage inédit sur les viols pendant la guerre d’Algérie.
Louisette Ighilahriz, une ancienne indépendantiste algérienne, livre les souvenirs qui la hantent depuis des décennies : « J’étais allongée nue, toujours nue (…) Dès que j’entendais le bruit de leurs bottes, je me mettais à trembler (…) Le plus dur c’est de tenir les premiers jours, de s’habituer à la douleur. Après on se détache mentalement. C’est un peu comme si le corps se mettait à flotter… »
En quelques mots, elle dévoile la nature des sévices dont elle a été l’objet, en septembre 1957, à l’âge de 20 ans, au siège de la 10e division parachutiste (DP) à Alger. Si elle parle, c’est qu’elle a un espoir : retrouver un inconnu, un certain « commandant Richaud », qui l’a sauvée en la faisant évacuer à l’hôpital Maillot de Bab-El-Oued, puis transférer en prison. Elle voudrait lui exprimer sa gratitude.
Ce courage, Louisette l’a payé fort cher. Jamais elle n’a retrouvé Richaud, médecin militaire de la 10e DP, décédé en 1998. Aujourd’hui, à 84 ans, elle vit toujours à Alger, mais son fils ne lui pardonne pas d’avoir parlé. Quant à sa fille, elle ne parvient pas à sortir d’une dépression interminable qui a démarré en 2000. Quant aux autres moudjahidate (anciennes combattantes), beaucoup lui tournent le dos. Elles lui pardonnent mal d’avoir dévoilé un secret qu’elles cachent depuis soixante ans.
Si Louisette reconnaît qu’elle n’avait pas mesuré les conséquences de son témoignage, elle ne regrette rien. « Il fallait que je partage un fardeau trop lourd pour moi. En mettant les mots sur mes maux, je pensais trouver un apaisement, dit celle qui est devenue psychologue après l’indépendance. Je suis juste un peu amère car je m’attendais à une libération de la parole, elle ne s’est pas produite. » Ce dont Louisette Ighilahriz souffre le plus, c’est du regard des autres. Elle sait que, d’un côté, elle est « celle qui a beaucoup fait pendant la guerre de libération et qu’on remercie ». De l’autre, elle reste « celle qui a été violée ».
« Le témoignage de Louisette Ighilahriz a fait l’effet d’une déflagration ! Tout est parti de là. C’est alors qu’on a commencé, en France, à s’intéresser à ce sujet », Tramor Quemeneur, historien
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