France World

Au Liban, la colère contre les commerçants “accusés de provoquer une pénurie des produits de base”

https://s.observers.france24.com/media/display/c800f760-8657-11eb-8d7a-005056bf87d6/w:1280/p:16×9/liban_teaser.jpg

Confronté à une crise économique sans précédent depuis l’été 2019, le Liban voit les conditions de vie de ses habitants se dégrader de jour en jour. Alors que les prix des produits alimentaires de base ont flambé, plusieurs vidéos témoignent depuis début mars de scènes d’empoignade entre clients et de tensions entre clients et gérants dans des supermarchés. 

La livre libanaise a encore chuté, mardi 16 mars, sur le marché parallèle, dépassant le seuil de 14 000 livres pour un dollar. Ce nouveau record intervient après un week-end marqué par des manifestations dans plusieurs villes à travers le pays. Cette dépréciation de la livre libanaise a provoqué une hausse importante des prix, surtout des aliments.

Sous le hashtag #لبنان_ليس_بخير (« le Liban ne va pas bien »), plusieurs vidéos de bousculades et d’altercations dans les supermarchés ont été diffusées sur les réseaux sociaux. Notamment celle-ci, qui montre une bousculade, lundi 15 mars, dans un supermarché Rammal à Beyrouth, où des clients s’arrachent des bouteilles d’huile et des sacs de riz subventionnés.   

Depuis plusieurs mois, des Libanais manifestent hebdomadairement pour dénoncer l’incurie des autorités et leur incapacité à enrayer la crise économique. Samedi 13 mars, des manifestants ont bloqué des routes avec des pneus incendiés, notamment à Saïda, dans le sud du pays, et dans la plaine de la Bekaa, dans l’est. Ils réclamaient la mise en place d’un gouvernement de « transition pour mettre fin à la corruption », une enquête pour faire la lumière sur les explosions survenues au port de Beyrouth le 4 août 2020, et des mesures pour enrayer la dégringolade de la livre libanaise. 

Face à la flambée des prix, les commerçants sont particulièrement montrés du doigt, surtout les chaînes de supermarchés. Elles sont accusées de stocker des produits comme l’huile, le sucre, les lentilles ou encore le riz, pour les vendre plus cher, explique notre Observateur, Ahmed Yassine, blogueur à Beyrouth.

« Des citoyens, craignant des pénuries, ont acheté des produits en grandes quantités, ce qui a eu pour effet d’alimenter la pénurie »

La situation est très tendue, à travers tout le pays. Désormais, on reproche à certains grands commerçants de profiter de cette crise pour provoquer une pénurie afin de vendre des produits de première nécessité, même ceux subventionnés par l’État, plus cher.

En mai 2020, le gouvernement libanais a mis en place un panier comprenant 300 produits de base subventionnés par l’État. Par exemple, un sachet de riz de cinq kilos subventionné coûte autour de 12 000 livres, le sachet de sucre de cinq kilogrammes, 12 500 livres. Ces mêmes produits non subventionnés peuvent coûter jusqu’à six fois plus cher.

Ahmed Yassine poursuit : 

La situation est complexe car, d’autre part, beaucoup de gens craignant une pénurie ont acheté en grandes quantités ces dernières semaines pour constituer des stocks, ce qui a pour effet d’alimenter cette pénurie. 

Après la propagation d’une rumeur, des jeunes ont fait irruption, samedi 13 mars, dans le supermarché de la chaîne Le Charcutier Aoun, dans l’est de Beyrouth, et tenté d’accéder au dépôt pour vérifier si des produits subventionnés par l’État n’y avaient pas été entreposés pour être vendus plus cher plus tard. 

Sur cette vidéo, diffusée samedi 13 mars sur Facebook, un groupe de contestataires, habillés en noir, ont fait irruption dans un supermarché Le Charcutier Aoun, dans un quartier de l’est de Beyrouth, et tentent d’accéder au dépôt.

 

 

Sur cette vidéo montrant le même incident, des manifestants scandent : « Révolution contre toi, Aoun [Michel Aoun, le président du Liban, NDLR], contre toi Hariri [Saad Hariri, l’actuel Premier ministre, NDLR], Nasrallah [Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, NDLR] ! »

 

Depuis ce vendredi [12 mars], on ne trouve pratiquement plus le sucre et l’huile subventionnés dans les commerces.

Ici tout le monde parle aussi de la fameuse vidéo du sachet de lait. Elle a grandement contribué à mobiliser les Libanais ces dernières semaines, du moins sur les réseaux sociaux. Tournée le 4 mars, dans le supermarché Spinners, dans le quartier Hazmieh en banlieue de Beyrouth, elle montre une bagarre entre des clients pour un dernier sachet de lait : un client a mis plusieurs sachets de lait subventionné dans son caddie. Mais comme il n’en restait plus en rayon, un employé a retiré un sachet de lait du caddie du client pour le remettre à une dame qui en cherchait. Et là, une bagarre a éclaté entre les deux clients et les employés, une scène triste.

« Une bagarre dans un supermarché pour un sachet de lait… Ce n’est une scène de film, mais scène qui montre l’humiliation et le déclin dans lequel on vit », écrit cet internaute. 

 

 

Une autre vidéo, qui circule sur les réseaux sociaux depuis vendredi 12 mars, a choqué beaucoup de Libanais. Elle montre un amoncellement de dizaines de sachets vides de riz, de sucre, de pâtes et de lentilles subventionnés, à la lisière du village de Sarafand, dans le district de Saïda. Beaucoup suspectent des commerçants d’avoir changé le packaging de ces produits pour les vendre plus cher.

 

 

« Une quantité importante de sachet de produits subventionnés à été retrouvée près du village de Sarafand », écrit cet internaute. 

Au lendemain de la diffusion de cette vidéo, la police municipale de Sarafand a annoncé avoir ouvert une enquête contre deux coopératives locales de commerçants, accusées d’avoir vendu des produits de base subventionnés avec de faux emballages. 

Le Liban est toujours en attente d’un nouveau gouvernement, sept mois après la démission du gouvernement d’Hassan Diab, à la suite des explosions meurtrières au port de Beyrouth. Les tractations pour former un nouvel exécutif s’enlisent, alors que le pays s’enfonce chaque jour un peu plus dans cette crise financière et économique. 

Le Liban importe quasiment tous les produits de base. Le système de subventions, financé à hauteur de 437 millions de dollars par mois selon une estimation de la Banque mondiale, couvre les importations de carburant, de la farine, des médicaments et aussi le panier des produits subventionnés. 

Toutefois, en raison de la crise des devises, la Banque centrale a réclamé en février « un plan « immédiat pour rationaliser les subventions« . Confronté à la grogne populaire, le gouvernement actuellement chargé de gérer les affaires courantes, n’a pas fixé de calendrier.

Source

L’article Au Liban, la colère contre les commerçants “accusés de provoquer une pénurie des produits de base” est apparu en premier sur zimo news.