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Le projet SpaceX d’Elon Musk n’est pas le bienvenu pour les Papous de l’île de Biak, en Indonésie

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Sous le soleil, exactement. Et, plus précisément, à un degré au sud de l’équateur et face à l’océan Pacifique. Le milliardaire Elon Musk pouvait difficilement rêver d’un meilleur emplacement pour Starlink, son projet d’Internet à haut débit par satellite destiné à couvrir en priorité les zones isolées ou mal connectées.

A la mi-décembre 2020, le président indonésien, Joko Widodo, a officiellement invité le patron de SpaceX et Tesla à construire une base de lancement pour ses fusées sur la petite île de Biak, terre papoue rattachée à l’Indonésie en 1963.

« L’Indonésie dispose de plusieurs zones situées près de l’équateur. Le coût du lancement de SpaceX serait plus bas, parce que ses satellites n’auraient pas besoin de manœuvrer pour ajuster leur orbite à l’équateur », a justifié Jodi Mahardi, porte-parole du ministère coordinateur des affaires maritimes et des investissements.

Les Papous pas consultés

Sauf que les Papous de Biak n’ont pas vraiment leur mot à dire. La population de cette île – qui rejette l’autorité de Djakarta depuis son annexion – n’a pas été consultée, rapporte le Guardian. Elle y est même opposée, craignant un désastre pour son environnement et son mode de vie.

Un chef tribal de l’île, Manfun Sroyer, évoque les risques de déforestation, la présence militaire indonésienne, et explique craindre que les Papous ne soient forcés de quitter leurs maisons. « Ce centre spatial se construira aux dépens de nos terrains de chasse traditionnels, endommageant la nature dont dépend notre mode de vie », explique-t-il.

Un porte-parole du gouvernement indonésien tente de balayer ces inquiétudes, expliquant au Guardian que l’Institut national de l’aéronautique et de l’espace indonésien (le Lapan) a consulté les autorités locales. « Le gouvernement provincial de Papouasie considère que la construction du centre spatial à Biak fera du district de Biak Numfor une plaque tournante et aura des répercussions économiques positives pour le gouvernement régional et la communauté locale », assure-t-il.

Projets spatiaux

Les Papous ont pourtant bien des raisons de s’inquiéter, car Elon Musk n’est pas le seul sur les rangs pour s’installer sur l’île. Dans les années 1980, le Lapan y a construit une zone de 100 hectares afin d’installer une base spatiale, rappelle le Djakarta Post. L’emplacement est idéal pour lancer des satellites en orbite basse et permettre un temps de réponse plus rapide que celui des satellites de télécommunications traditionnels, qui volent en orbite géostationnaire à 36 000 kilomètres.

D’ailleurs, depuis une vingtaine d’années, la Russie s’intéresse aussi à Biak. A partir de 2006, l’Indonésie et l’agence russe Roscosmos ont commencé à discuter de la possibilité de lancer un satellite à partir de l’île ; en 2019, le Lapan a officiellement confirmé le projet de construction d’un site de lancement, les premiers vols étant attendus en 2024.

S’ils craignent de voir s’installer Elon Musk et ses fusées, les Papous redoutent aussi et surtout les autorités indonésiennes. « Si nous protestons, nous serons immédiatement arrêtés », confirme Manfun Sroyer, qui rappelle qu’en 2002 les opposants à un site de lancement russe ont été arrêtés pour être interrogés.

Souvenir du massacre de Biak

Biak revêt une importance stratégique pour l’armée indonésienne, qui y a construit des bases navales, militaires et aériennes. Sur l’île, le souvenir de la tuerie de 1998 est encore bien présent. Au début du mois de juillet 1998, elle fut le site de l’un des pires massacres de l’histoire de la présence indonésienne en Papouasie occidentale, lorsque des dizaines de civils ont été torturés et tués et leurs corps jetés en mer par les forces de sécurité indonésiennes, après que des militants ont hissé l’Etoile du matin, le drapeau de la Papouasie occidentale indépendante.

Tineke Rumkabu, une survivante de ce massacre, voudrait qu’Elon Musk comprenne que son projet n’est pas le bienvenu sur l’île. « En tant que Sud-Africain, vous savez ce qu’est l’apartheid, le meurtre de populations noires. Si vous installez votre entreprise ici, vous soutenez directement le génocide indonésien des Papous », confie-t-elle au Guardian.

Les projets du patron de SpaceX et Tesla en Indonésie ne se limitent pas à l’espace : avec Joko Widodo, Elon Musk a aussi discuté des opportunités d’investissements pour Tesla : l’Indonésie dispose d’importantes réserves de nickel et de cuivre, métaux indispensables pour les batteries de ses véhicules.

Les Papous ne sont pas les seuls à s’inquiéter de l’arrivée d’Elon Musk. Le conseil municipal du village de Saint-Senier-de-Beuvron, 350 habitants, dans la Manche, a dit non le 7 décembre, au nom du principe de précaution, au projet d’installation de neuf dômes que la société Sipartech, sous-traitant de SpaceX, voudrait implanter dans un champ dans le cadre du projet Starlink.

Le Monde

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