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Tribune. Dimanche 21 mars, les Congolais seront appelés aux urnes pour désigner leur président. En l’absence de plusieurs leaders de l’opposition aujourd’hui emprisonnés, les électeurs pourront choisir entre le président sortant, Denis Sassou-Nguesso, et six autres candidats. A 77 ans dont trente-six au pouvoir, le chef de l’Etat se présente pour la quatrième fois consécutive. Le scrutin à venir n’ébranlera certainement pas le rapport de forces au sein de ce pays pétrolier d’Afrique centrale de 5 millions d’habitants, dont la France est le premier donateur d’aide publique au développement.
Le 2 février, les évêques congolais ont tenté d’ouvrir une brèche en exprimant publiquement leurs « sérieuses réserves » quant au prochain scrutin et en demandant un dialogue national, l’indépendance effective de la justice, la libération des prisonniers politiques et l’instauration du principe d’alternance au pouvoir. Deux jours plus tard, par la voix du ministre de la communication, Thierry Moungalla, le régime réagissait sur les ondes de RFI : il choisissait de minimiser les doutes émis par l’épiscopat congolais.
Depuis, le climat s’est tendu, notamment sur les réseaux sociaux, faisant craindre des intimidations et des répressions, comme lors de la précédente élection présidentielle, en 2016. Malmené depuis de nombreuses années, le droit de manifester n’existe plus au Congo-Brazzaville depuis début 2020, officiellement pour lutter contre la pandémie de Covid-19.
Un vernis de légitimité
Déjà alimentée par la peur des violences et la perte d’espoir en la politique, l’abstention risque de bondir encore davantage lors du prochain scrutin. Preuve d’une montée de la tension à quelques semaines du premier tour, Raymond Malonga, rédacteur en chef d’un journal satirique, est incarcéré depuis le 3 février, accusé de diffamation à l’encontre de l’épouse d’une haute autorité du pays. En cette période préélectorale, cette arrestation vient rappeler que l’indépendance et la critique n’ont pas leur place au Congo. Encore moins lorsqu’on met en cause un membre du régime présidentiel.
En novembre 2020, le gouvernement a organisé un dialogue national pour donner un vernis de légitimité au processus électoral actuel. Mais ce dialogue ne peut faire oublier l’absence de volonté politique de lutter contre l’impunité qui règne depuis le précédent cycle électoral. Les 46 décès recensés en 2016 par l’Observatoire congolais des droits de l’homme (OCDH) n’ont jamais donné lieu à des enquêtes. Par ailleurs, de sérieux doutes persistent sur la qualité du fichier électoral et l’indépendance de l’institution chargée des élections.
Et comment renouer le dialogue et équilibrer le jeu politique quand plusieurs personnalités politiques et de la société civile se trouvent soit en exil, soit en prison ? Jean-Marie Michel Mokoko et André Okombi Salissa, anciens candidats à la présidentielle, ont par exemple été condamnés à vingt ans de prison pour « atteinte à la sécurité intérieure ». Confrontées à la colère de la rue, les autorités congolaises ont choisi la répression sanglante pour faire taire la contestation liée au processus électoral de 2015-2016. Il y a fort à parier que toute contestation du résultat des urnes connaîtra malheureusement le même sort en 2021.
Face à cette situation, la France est silencieuse, comme résignée à la fatalité. Muette, inerte ou impuissante quand, en 2020, il s’agissait de dénoncer les mandats anticonstitutionnels et les élections violentes survenues en Guinée, au Togo ou en Côte d’Ivoire. Un énième mandat du président Sassou-Nguesso ne devrait pas susciter plus que de timides réserves des autorités françaises.
Nous méritons mieux que cela
Aujourd’hui, les liens économiques, la prétendue stabilité du pays et les rôles de médiation régionale de Denis Sassou-Nguesso semblent justifier la realpolitik française au Congo. Chaque année, Paris verse des dizaines de millions d’euros en aide publique au développement, sans réelle contrepartie en matière d’Etat de droit ou de réformes démocratiques au Congo. A vouloir éviter la critique du régime sur les droits humains et la démocratie, la France peine à mettre en adéquation ses paroles et ses actes.
Nous, citoyens congolais et français, méritons mieux que cela ! Nous, représentants des sociétés civiles africaines et européennes, nous interrogeons sur l’efficacité de cette diplomatie française d’où l’universalité des droits humains et la démocratie ont disparu. Les récentes déclarations du président Emmanuel Macron sur le difficile renouvellement démocratique en Afrique sont-elles uniquement rhétoriques ?
A l’occasion de la prochaine élection présidentielle au Congo, nous appelons la France à condamner la dégradation préélectorale du climat politique et civique ; à soutenir sans attendre, diplomatiquement, financièrement et techniquement, des réformes ouvrant la voie à un processus électoral crédible, apaisé, libre et transparent, avec l’appui des organisations africaines, de l’ONU et de l’Union européenne ; à demander la création d’une commission d’enquête indépendante sur les violations de droits humains de 2015-2016 ; à contribuer à la protection des défenseurs congolais des droits humains et des acteurs pro-démocratie.
Ce que nous appelons de nos vœux, c’est qu’en 2021, ce soient autant la République du Congo que la diplomatie française qui renouent avec la démocratie.
Eléonore Morel, directrice générale de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), Timothy Hughes, président d’Agir ensemble pour les droits humains, Trésor Nzila, directeur exécutif de l’Observatoire congolais des droits de l’homme, Marc Ona Essangui, président du mouvement international Tournons la page, Marcus Kissa, coordonnateur du Collectif Sassoufit, Aunel Arneth Kimbembe Makaya, journaliste et réalisateur du film Se taire ou mourir, Alexandre Wa-Ibacka Dzabana, représentant de la Plateforme des ONG des droits humains et de la démocratie, Bertrand Menier Kounianga, premier coordonnateur du mouvement citoyen Ras-le-bol, Brice Mackosso, secrétaire permanent de la Commission Justice et Paix de Pointe-Noire.
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