Zapping Onze Mondial Top 10 : les joueurs en fin de contrat en Ligue 1
Ça fait quoi d’être le meilleur buteur français en championnat en Europe ?
(Rires) C’est la première fois qu’on me pose la question. Je ne sais pas si je vais le rester longtemps, mais j’en profite, je n’y prête pas trop attention. Si je peux terminer le plus haut possible je ne vais pas me gêner, mais on sait qu’il y a des gros clients qui vont arriver bientôt.
A l’heure où l’on se parle, tu as plus marqué en championnat que Lionel Messi (19), Kylian Mbappé (18) ou Mohamed Salah (17). Ça te fait forcément quelque chose ?
Forcément oui, je sais que je suis dans le top 10, forcément ça me fait plaisir. J’ai juste envie de continuer le plus loin possible. C’est déjà énorme que je sois à 20 buts, ce n’est que du bonus et on fera les comptes à la fin.
Tu n’es pas très loin du titre de meilleur buteur de Jupiler Pro League, derrière Paul Onuachu (Genk, 25 buts). Le but c’est d’aller le chercher ?
L’objectif c’est d’abord d’aller chercher les play-off avec l’équipe. Ça nous ferait des matchs supplémentaires et ce serait la cerise sur le gâteau. Les buts, c’est du bonus. Si je peux prendre le titre de meilleur buteur, je le prendrai, mais ça ne va pas m’empêcher de dormir. Deuxième, c’est déjà très bien.
Tu joues probablement la saison de ta vie. Comment tu te sens ?
J’espère que ce n’est pas la saison de ma vie ! Pour le moment c’est la meilleure saison de ma carrière. J’espère que ça va continuer comme ça, encore plus haut, parce que je sens que je peux faire encore plus. J’apprends, ce sont mes dix premiers mois en D1 A. Je sens que j’ai encore une marge de progression et j’espère le prouver.
Comment tu expliques ton rendement cette saison ?
Atteindre 20 buts c’est une première, mais ça fait bientôt 3 ans où je suis attaquant. Avant je ne l’étais pas, donc les statistiques ne sont pas comparables. Il y a la confiance du coach, des joueurs, je me retrouve dans une équipe où je me sens bien. Je ne sais pas comment l’expliquer.
Le mythe de l’état de grâce de l’attaquant, tu y crois ?
Il y aura peut-être des moments de doute où je marquerai moins. Je ne sais pas comment ça s’explique, j’essaye de profiter de l’instant présent et de m’améliorer chaque jour.
C’est incroyable de penser que tu en es là, alors que tu as commencé le foot à 15 ans…
Je faisais de l’athlétisme, je faisais un peu de tout, du tennis aussi. C’est arrivé par hasard. Des amis d’enfance jouaient au foot dans un club de 3ème division de district, à Fontenay-aux-Roses, à côté de chez moi. J’ai commencé pour être avec eux, sans penser à aller plus haut, ou penser qu’un jour je finirais pro. En faisant certaines rencontres avec des managers, des gens qui m’ont ramené dans certains clubs, ça s’est fait tout doucement.
Tu devais quand même avoir un truc en plus…
Je pense que j’ai toujours été quelqu’un de sportif, d’athlétique, pas uniquement dans le foot. Ma vocation était faite pour le sport en général. Je pense que si ça n’avait pas été le foot, ça aurait été un autre sport. C’est tombé sur le foot car j’ai fait les bonnes rencontres au bon moment. Franchement c’est arrivé tout seul. Mes potes savaient que j’avais des qualités, mais de dire que j’allais finir pro, je n’y ai jamais pensé. C’est arrivé plus tard, on ne savait pas comment le monde du foot marchait. La 3ème division de district c’est un club de quartier, il n’y avait aucune connaissance de comment y arriver. C’est vraiment venu après, en rencontrant des gens, ce n’était pas obsessionnel chez moi. Signer un contrat fédéral en CFA, c’était déjà fou pour moi. Puis c’est monté crescendo, il y avait de nouveaux objectifs : jouer en National, en Ligue 2, en Ligue 1, etc. Je fonctionne toujours comme ça, étape par étape, avec des objectifs abordables par saison.
« Si ça n’avait pas été le foot, ça aurait été un autre sport »
Tu commences à Beauvais, puis Fréjus-Saint-Raphaël pour ensuite atterrir à Nantes. C’est là que tu te rends compte que t’as un vrai potentiel ?
Ça a été le plus gros step je crois. Passer de Fréjus à Nantes, je ne dis pas que c’est allé trop vite car j’ai énormément appris, mais je n’étais vraiment pas prêt à ce moment là je pense mentalement, à travailler comme un professionnel. C’était mon premier club pro, tout change et pas seulement le contrat. Il faut travailler dix fois plus, et je n’étais pas forcément prêt à ça. Certaines personnes diront que je n’ai pas appris assez vite car j’ai quitté Nantes un an après, mais je ne pense pas. Les gens ne se rendent pas compte à quel point c’est différent. Il me fallait peut-être un peu plus de temps. A Nantes, j’ai pris conscience du niveau qu’il fallait atteindre, pas seulement de qualité footballistique, mais mentalement aussi.
Certains joueurs t’ont marqué plus que d’autres à Nantes et t’ont fait comprendre ça ?
Je pense à Emiliano Sala. Il n’avait pas certaines qualités que Kolbeinn Sigthorsson pouvait avoir, très doué techniquement. Mais dans l’abnégation et le travail, Sala était quelqu’un de dix fois plus fort que Kolbeinn. Tu apprends de tout le monde, de ces joueurs là, Lorik Cana aussi.
Pourquoi tu quittes Nantes ?
Difficile à dire, cette année là ça s’est beaucoup mieux passée avec les pros qu’avec la CFA et son entraîneur. Tout le monde ne croyait pas en moi. J’avais plus d’accroches avec Michel Der Zakarian qui m’a pris dans le groupe alors que je ne jouais pas forcément en CFA. Je ne sentais pas la confiance de tout le monde et je pense qu’il valait mieux que je reparte en National pour avoir plus de temps de jeu.
Tu as joué 26 minutes en Ligue 1, on imagine que ça ne s’oublie pas ?
Non, surtout la première, on ne l’oublie jamais. J’entre une vingtaine de minutes, on est menés contre Toulouse, à la Beaujoire. On égalise, Emiliano marque. On ressent un boum du stade quand on marque. C’est l’un des meilleurs publics de France, c’est inoubliable.
Tu fais une saison folle aujourd’hui, mais sans public, donc forcément une grosse déception ?
Bien sûr, surtout en D1. Le club attendait ça depuis longtemps, nous aussi. On joue de gros matchs, c’est dommage. J’espère qu’ils vont revenir le plus vite possible. Même se faire insulter, ça me manque (rires).
Pour revenir sur ton parcours, tu quittes Nantes et rebondis à Chambly où tu connais une formidable épopée en Coupe de France 2018. Est-ce que c’est ton plus beau souvenir de carrière ?
Oui, on ne pensait pas aller aussi loin. Malheureusement on rate la finale contre le grand PSG. Ça reste aussi l’un de mes plus gros regrets, ça fait mal d’être si proche et de ne pas avoir le Graal. Le Graal c’était simplement la finale contre le PSG, pas de la gagner. Passer si proche du Stade de France contre le PSG, c’est encore plus énervant. Ça reste aussi inoubliable, personne n’aurait pu prévoir ça.
Est-ce que c’est encore plus énervant de se faire sortir par une équipe (Les Herbiers) qui n’est pas une Ligue 1 ?
C’est ça le plus énervant. Ce qui a fait la différence c’est qu’ils avaient 40 000 personnes derrière eux. Ils avaient été meilleurs que nous ce jour là. Mais quand tu élimines Strasbourg et que derrière tu perds contre Les Herbiers, en demi-finale alors qu’il y a le PSG derrière, ça fait très mal. Mais si c’était à refaire, je signerais tout de suite.
Tu quittes ensuite Chambly pour Tubize, en deuxième division belge. As-tu douté de ce choix ?
J’avais le choix entre rester en France en National, aller en Ecosse ou aller en Belgique. J’avais décidé de quitter Chambly. Le choix s’est fait rapidement à partir du moment où le coach corse de Tubize Christian Bracconi m’a appelé. Le feeling est tout de suite passé.
Tu rejoins Tubize, où a percé un certain Eden Hazard, tu as du en entendre parler…
Il était très jeune à Tubize, mais son nom est gravé sur un des murs. On sait tout de suite où on met les pieds, mais il n’y a pas que Eden Hazard. J’apprends plein de petites histoires sur d’autres joueurs de la Belgique. J’ai appris à découvrir la Belgique, j’apprends des langues, ça m’a ouvert beaucoup de portes, et je trouve ça super important. Le Néerlandais ça reste difficile (rires). Quand tu arrives, tu es obligé d’aller vers les gens, personne ne te connaît. J’ai appris à aller vers eux, sortir de ma zone de confort, ne pas rester chez moi et découvrir d’autres personnes.
Tu rejoins ensuite Louvain. Ce sont deux Belgique différentes ?
Oui. De Tubize côté wallon je suis passé côté néerlandais à Louvain. Il y a la langue, à Louvain je ne parle qu’anglais. La plus grosse différence est la langue, il y a aussi la manière de vivre, différente aussi.
« Passer si proche du Stade de France contre le PSG, c’est encore plus énervant »
Thomas HenryCredit Photo – Icon Sport
Cette saison vous êtes promus avec Louvain, mais aussi surprise au classement (7ème après 30 journées). Comment vit le groupe ?
On ne calcule pas trop, on a un bon groupe avec une quinzaine de nationalités différentes. On n’a jamais parlé de classement. Les dirigeants ne nous mettent aucune pression. L’objectif de base était un maintien facile, et là c’est d’aller le plus haut possible. Je ne sais pas si c’est une surprise. Les saisons précédentes, Malines est monté et a fait le même parcours que nous. On est montés avec le Beerschot (6ème après 30 journées), donc on en vient à se demander si les premiers de D1 B n’ont pas le niveau de D1 A. Je pense que oui.
Où est-ce que tu situes le niveau du championnat belge ?
Bruges est vraiment au-dessus. Ils vont faire 2-2 face au Real Madrid au Santiago Bernabeu. Il y a deux ans, ils avaient perdu face au PSG mais sans avoir à rougir. Bruges est le meilleur club du pays et n’a rien à envier à une équipe de Ligue 1, hormis le PSG. Antwerp et Genk restent des clubs historiques également.
Quel joueur t’a le plus impressionné dans cette Jupiler Pro League ?
En défenseur, (Brandon) Mechele. J’ai bien appris de lui. C’est le premier match amical que j’ai joué en D1 A, il m’avait vraiment impressionné. D’autres vont faire parler d’eux dans le futur, comme Noa Lang.
La Ligue 1, c’est un championnat où tu te verrais revenir ?
Je ne sais pas de quoi sera fait demain. S’il y a une opportunité pourquoi pas. Mais honnêtement je privilégie l’étranger. J’ai envie de découvrir de plus en plus de choses. J’ai apprécié être en Belgique, j’ai découvert ce pays et j’espère en découvrir d’autres dans ma carrière, une autre langue, une autre façon de découvrir le foot, de vivre en dehors du foot, c’est aussi ça qui m’attire.
Tu as été approché par le Besiktas cet hiver. Le championnat turc te tente ?
D’autres championnats passent avant. L’Allemagne, l’Angleterre, l’Italie ou l’Espagne, ce sont des championnats qui me font rêver. Mais on connait tous l’histoire de Besiktas, un grand club turc, qui joue tous les ans une coupe européenne.
Ton club de Louvain est détenu par les dirigeants de Leicester. Il y a une passerelle assez évidente…
Je ne sais pas. Leicester prête des joueurs à Louvain. Les dirigeants anglais font énormément de choses pour Louvain. Les installations, c’est un mini-Leicester. Après, la marche de Louvain à Leicester est très haute. L’Angleterre ça me fait rêver, maintenant Leicester ne sont pas derniers de Premier League non plus. Ce n’est peut-être pas à moi de répondre à cette question. On verra dans le futur.
Si l’Angleterre te fait rêver, on se dit que ça pourrait être pas mal un « T.Henry » à Arsenal…
(Rires) Oui mais c’est pareil, c’est Arsenal, ça reste un des clubs de première classe en Premier League. Ça reste un énorme step. Après si un jour un club comme ça vient me chercher, je n’ai pas peur car je sais que je veux aller le plus haut possible, et si je le peux, je saisirai ma chance. Maintenant je sais comment il faut travailler et j’ai confiance en moi.
Au vu de ta carrière atypique, tu n’as plus de temps à perdre ?
Je n’ai plus de temps à perdre, j’ai 26 ans. J’ai une marge de progression, je considère que je peux aller plus haut, mieux faire. Je n’ai pas peur de dire que j’ai des ambitions. On verra ce qui arrivera.
Né à Argenteuil, on imagine ton club de rêve pas si loin de ta ville natale…
(Rires) Oui ça, ça reste trop gros de dire qu’un jour j’aimerais intégrer le PSG. J’aurais pu l’intégrer en réserve il y a quelques années, j’avais fait un essai où je m’étais blessé. Malheureusement ça n’avait pas pu le faire. C’était soit Fréjus, soit le PSG en réserve. Je suis supporter du PSG parce que je suis Parisien, mais il faut être réaliste aussi, ils n’ont pas besoin de moi (rires). Je suis plus supporter du PSG que futur joueur, ça c’est sûr et certain.
Propos recueillis par Thomas Rassouli
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