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LETTRE DE VARSOVIE
Un ventre de mère en forme de cœur sur fond blanc avec à l’intérieur, un enfant en position embryonnaire : depuis le début de l’année cette affiche a envahi les rues des villes polonaises. Des surfaces publicitaires géantes aux arrêts de bus en passant par les transports en commun, l’image est devenue en peu de temps incontournable. Sans texte, le message de l’illustration pouvait dans un premier temps paraître énigmatique.
Mais des slogans ont progressivement été ajoutés aux affiches, et le message est devenu explicite : « Je suis dépendant, j’ai confiance en toi » ; « Prends-toi en main, je suis à toi. » D’autres publicités géantes ont vu le jour : des images de têtes ou de pieds de fœtus avec la mention « J’ai onze semaines » ; « J’ai cinq mois. » Ou un simple texte sur fond blanc en écriture d’enfant : « Aimez-vous, papa et maman. » Ce dernier renvoie à un site internet d’une organisation qui qualifie le divorce de « déviance ».
Réponse aux mobilisations
L’action de communication a été méticuleusement pensée et mise en œuvre. Il s’agit d’une campagne anti-avortement et anti-divorce de plusieurs organisations catholiques, orchestrée par Mateusz Klosek, un chef d’entreprise qui figure parmi les cent plus grandes fortunes de Pologne. Cette campagne a rapidement été perçue comme une réponse aux mobilisations massives de femmes et de la jeunesse, à l’automne, après que le tribunal constitutionnel, étroitement contrôlé par la majorité nationale conservatrice du PiS (Droit et justice), a rendu l’avortement quasi illégal dans le pays.
Cet arrêt du tribunal, aussi inattendu que radical, a eu pour effet de faire brusquement bouger l’opinion publique : dans un pays considéré comme le dernier bastion catholique d’Europe, le soutien à la libéralisation de l’avortement jusqu’à la douzième semaine de grossesse a bondi de 53 % à 66 % dans l’ensemble de la population, selon un sondage IPSOS. Chez les 18-29 ans, cette évolution est encore plus spectaculaire, passant de 48 % à 79 %. Pour tenter de freiner la tendance, les organisations anti-avortement ont voulu frapper fort, et le généreux mécène a financé une campagne publicitaire dont le coût a été estimé entre 5 et 10 millions de zlotys (1,1 à 2,2 millions d’euros).
Dans un pays chauffé à blanc autour de la question des droits des femmes, une partie de la société civile ne pouvait rester sans agir. Rapidement, de nombreux panneaux ont été saccagés, recouverts de graffitis, et détournés de leur message initial. On pouvait ainsi lire à côté des images de fœtus : « Tu es notre miracle. Merci à la fécondation in vitro » ; « Si tu es gay, je t’aimerai quand même » ; « Tes deux mamans t’attendent avec impatience » « Deux pères, un amour. » ; « Oui au choix, non à la torture. » L’éclair rouge, le symbole des manifestations pro-choix, a aussi largement recouvert l’espace public et publicitaire.
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