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En Allemagne, l’année politique de tous les possibles

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Les deux scrutins régionaux qui se sont déroulés, dimanche, en Allemagne, ont constitué le premier test électoral majeur depuis le début de la pandémie de Covid-19. Le paysage politique allemand semble chamboulé et pour certains politologues, c’est la première fois depuis longtemps que “tout est possible”.

Ce ne sont que deux élections régionales, mais pour le monde politique allemand c’est déjà beaucoup. Le résultat, dimanche 14 mars, des scrutins en Bade-Wurtemberg et Rhénanie-Palatinat ont suscité un petit tremblement de terre politique.

Ce n’est pas tant les vainqueurs qui ont surpris. En Bade Wurtemberg, le président sortant de la région Winfried Kretschmann (les Verts), bénéficiait d’une très forte cote de popularité, tout comme Malu Dreyer, du parti de centre gauche SPD, en Rhénanie-Palatinat. 

Des élections régionales mais pas que…

Le choc est, surtout, venu par l’ampleur du recul de la CDU, le parti conservateur de la chancelière, Angela Merkel. C’est particulièrement flagrant en Bade-Wurtemberg. Dans ce Land, Winfried Kretschmann pourrait désormais se permettre de mener une coalition avec le SPD et les libéraux du FDP. “Dans un bastion conservateur historique comme le Bade-Wurtemberg, le fait que l’éventualité d’un gouvernement dans lequel la CDU ne serait pas représentée soit envisagée est, en soi, sans précédent”, souligne Reimut Zohlnhöfer, politologue à l’université de Heidelberg, contacté par France 24. 

Armin Laschet, qui vient tout juste de prendre les rênes de la CDU, va tenter de faire de ces élections des affaires régionales avant tout. Et en un sens, il aura raison : “Il s’agissait de scrutins dominés par la personnalité des chefs de file de chaque parti dans ces régions et de questions sanitaires liées à la crise du Covid-19 qui dépendent beaucoup des autorités locales”, souligne Marc Debus, politologue à l’université de Constance, contacté par France 24.

Cette logique a, pourtant, ses limites. D’abord, parce que ces scrutins étaient les premiers tests électoraux majeurs en Allemagne depuis environ un an. “C’était l’occasion pour chaque parti de constater où il en était depuis la mise en place de la politique gouvernementale pour lutter contre la pandémie”, note Reimut Zohlnhöfer.

À cet égard, les résultats de dimanche “prouvent que le paysage politique allemand est plus morcelé que jamais et ils confirment que tout ne tourne plus seulement autour de la traditionnelle opposition entre CDU et SPD”, explique le politologue de l’université de Heidelberg.

En d’autres termes, depuis hier, “tout est devenu possible”, résume Thorsten Faas, politologue à l’université libre de Berlin, contacté par France 24. 

Un constat d’autant plus important, que les scrutins en Bade- Wurtemberg et Rhénanie Palatinat marquent le coup d’envoi d’une année électorale très chargée, qui culminera avec les élections générales de septembre pour désigner le (ou la) successeur(e) d’Angela Merkel. Il était donc d’autant plus important de commencer l’année sur une note positive pour bénéficier “d’une bonne dynamique”, estime Marc Debus, de l’université de Constance. 

Un chancelier “Vert” ?

À ce petit jeu, ce sont les Verts qui remportent la mise. Ils ont non seulement gagné en Bade-Wurtemberg grâce à l’indéboulonnable Winfried Kretschmann (qui dirige le Land depuis 10 ans), mais ont aussi progressé en Rhénanie-Palatinat, “ce qui était beaucoup moins évident”, assure Reimut Zohlnhöfer. “C’est un super début pour une super année électorale”, s’est réjoui Robert Habeck, le président des Verts au niveau national.

“Si cela continue comme ça, il est tout à fait possible que le prochain chancelier soit issu des rangs des Verts”, assure le quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung. D’autant plus que les écologistes allemands “ont déjà dépassé le SPD dans certains sondages au niveau national”, rappelle le politologue Marc Debus. Encore faut-il qu’ils exorcisent leurs vieux démons : “Les Verts ont déjà, par le passé, été les chouchous des enquêtes d’opinion avant de décevoir le jour des élections générales”, souligne Reimut Zohlnhöfer.

Cette impressionnante poussée des Verts et la dégringolade des conservateurs a fait passer au second plan l’un des autres grands enseignements de ces élections régionales : l’échec des populistes de l’Alternative für Deutschland (AfD). Le parti d’extrême droite a rassemblé moins de voix qu’en 2016 dans ces deux Länder. Un recul de mauvaise augure pour ce mouvement qui est, tout de même, actuellement le premier parti d’opposition au Bundestag.

“Cela prouve que lorsque le thème de l’immigration disparaît du débat public au profit de problèmes plus urgents comme la crise du coronavirus, ce parti a du mal à mobiliser”, analyse Reimut Zohlnhöfer. Les réponses apportées par l’AfD à la crise sanitaire – comme dénoncer une “corona-dictature” qui profiterait de la situation pour “soumettre le peuple allemand” – auraient simplement contribué à donner une image encore plus extrémiste du mouvement, estime Marc Debus.

Pour ce chercheur, il est, cependant, encore trop tôt pour faire des résultats des deux élections le reflet du nouveau rapport de force politique en Allemagne. “Ces scrutins montrent surtout à quel point en ces temps tout peut changer très vite et qu’il n’y a plus aucune certitude politique”, souligne-t-il.  

Il y en a cependant bien une : en septembre 2021, la CDU n’aura plus Angela Merkel pour se présenter à sa propre succession. Et, au vu des résultats de dimanche, c’est peut-être le principal handicap des conservateurs. En effet, au-delà du charisme des deux vainqueurs, “ce vote prouve aussi qu’il y a, en ces temps difficiles, une prime au sortant car les électeurs rechignent à changer de politique en plein milieu d’une crise”, estime Reimut Zohlnhöfer. Et sans sortant, la CDU risque d’autant plus de se faire sortir.

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