Les plaintes pour maltraitance animale font encore trop rarement l’objet de poursuites pénales, les procureurs privilégiant les mesures alternatives ou les classements sans suite. Cette tendance, généralisée dans les autres procédures de droit commun, alarme la Fondation 30 Millions d’Amis qui en appelle à une application plus rigoureuse des sanctions prévues par les textes.
Rappel à la loi, médiation pénale, injonction thérapeutique… Ces alternatives à la tenue d’un procès représentent environ 23% des mesures prononcées à l’encontre des personnes poursuivies pour cruauté animale, selon l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (juillet 2020). A l’issue des procès, les sanctions pécuniaires représentent la majeure partie des condamnations (32%), tandis que les peines d’emprisonnement avec sursis et les peines privatives de liberté sont plus rares (29% et 16%). Mais quid des affaires directement classées sans suite ? Le rapport de l’Observatoire publié en 2020 ne le dit pas. Pourtant, les avis de classement sans suite sont très nombreux en matière de maltraitance animale.
Des animaux parfois rendus à leur bourreau
Près de deux-tiers des plaintes que nous déposons sont classées sans suite.
Service juridique – Fondation 30 Millions d’Amis
« Près de deux-tiers des plaintes que nous déposons sont classées sans suite, alerte le service juridique de la Fondation 30 Millions d’Amis. Souvent, les tribunaux judiciaires renoncent aux poursuites pénales au motif que les faits ont été, selon eux, « régularisés ». C’est le cas notamment lorsque les animaux ont été secourus et mis en sécurité par les associations de protection animale… Pourtant, l’infraction pénale a bien eu lieu ! Mais rien ne viendra la sanctionner… ». Ainsi, en 2018, une juridiction de la Loire s’est fondée sur ce motif pour classer sans suite une affaire relative à Neymar… un chiot de 6 mois dont les quatre pattes avaient été fracturées par son maître ! En 2020, c’est un tribunal du Cher qui n’a pas poursuivi l’ancien maître de Patapouf… un croisé griffon-sharpei d’un an, enfermé dans le noir depuis sa naissance, alors que ses congénères vivaient dans des conditions tout autant précaires, entassés et affamés, parfois même aux côtés de cadavres d’animaux. « A la demande du procureur de la République, l’auteur des faits s’est depuis mis en conformité avec la loi, déclare le service du procureur dans un courrier adressé à la Fondation 30 Millions d’Amis. Cette réponse apparaît plus adaptée que des poursuites pénales ». Effectivement, l’auteur n’a pas eu d’autre choix que de se conformer à la loi… ses animaux ayant été confiés à la Fondation !
Si ces classements sans suite se sont – fort heureusement – accompagnés d’une saisie des animaux au profit des organisations de protection animale (et par là-même, mis en sécurité), il n’est toutefois pas rare que le parquet ne se prononce pas sur le placement des animaux. Pire : il arrive même qu’une restitution des animaux rescapés soit ordonnée au profit de ceux qui les ont fait souffrir ! Tel fut le cas, récemment, pour une chienne qui vivait régulièrement enfermée dans une cage de transport en plein soleil. Malgré les photos et les vidéos présentes au dossier, un parquet dans le Nord a refusé de poursuivre pénalement l’auteur des faits, les preuves n’étant « pas suffisantes pour que l’infraction soit constituée ».
Sensibiliser les magistrats pour faire appliquer les peines prévues par les textes
Les peines prévues dans les textes sont donc, dans les faits, trop rarement appliquées. D’où l’urgente nécessité, d’appliquer les sanctions déjà prévues ! L’aggravation des peines est également indispensable : il n’est effectivement pas concevable que le vol d’un objet (passible de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende) soit puni moins sévèrement qu’un acte de cruauté envers un être vivant et sensible (passible de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende) !
Cela ne doit pas décourager les gens à dénoncer des faits de maltraitance.
Maître E. Souplet – Avocate
« Renforcer la sensibilisation et la formation des magistrats, à cet égard, est essentiel, assure Reha Hutin, Présidente de la Fondation 30 Millions d’Amis. C’est à cette fin que la Fondation 30 Millions d’Amis a créé, en concertation avec d’éminents juristes, le Code de l’animal qui regroupe plusieurs milliers de textes et de décisions relatifs au droit animalier. Elle a également, à cet effet, initié en partenariat avec l’Université de Limoges un diplôme universitaire pour aider les professionnels du droit à se familiariser avec cette matière complexe ».
Un révélateur de l’état général du système judiciaire ?
« Même si certains magistrats peuvent manquer de considération à l’égard de la maltraitance animale, le véritable problème est lié à l’état général de la justice en France, déplore de son côté maître Xavier Bacquet, avocat de la Fondation 30 Millions d’Amis. Pour éviter de dépenser des sommes astronomiques qu’impliquent les procédures contentieuses, le législateur a souhaité faciliter le recours aux mesures alternatives. » Pour preuve, d’après les références statistiques de la Justice, seules 31% des affaires traitées par les juridictions entre 2017 et 2019 ont été déclarées « poursuivables » et, parmi elles, plus de la moitié se sont soldées par une procédure alternative ou un classement sans suite. Au total, 14% seulement des affaires traitées ont donné lieu à des poursuites pénales ! Il ne serait pas surprenant que ce dernier taux soit encore plus bas depuis le début de l’année 2020 eu égard à l’engorgement des tribunaux, d’autant plus accentué par les grèves des avocats et les mesures liées au confinement. Aux politiques, donc, de prendre les mesures qui s’imposent pour accroître le budget alloué à la justice et pallier cette déliquescence judiciaire !
« Heureusement, tout n’est pas négatif, nuance maître Xavier Bacquet. Nous avons aussi de bonnes décisions ! ». La consécration, en 2015, des animaux comme « êtres vivants doués de sensibilité » (article 515-14 du code civil) – rendue possible grâce au travail de la Fondation 30 Millions d’Amis soutenue par de nombreux intellectuels et d’éminents juristes – a heureusement permis de sensibiliser les magistrats à la cause animale devant les tribunaux. Ainsi, en 2020, un homme a été condamné par le Tribunal de Meaux à 2 ans de prison – dont 1 an ferme – pour avoir récidivé en poignardant une chienne qui était sous sa garde. Quelques mois plus tôt, le bourreau de Sultane – une chienne balancée vivante du 3ème étage après avoir été frappée et lacérée à plusieurs reprises – a été condamné à 36 mois de prison, dont 28 ferme. Début 2020, c’est un père de famille qui a été condamné à 2 ans de prison, dont un an ferme, pour avoir jeté la chienne de ses voisins du haut d’un immeuble, à Marseille. « S’il est légitime d’exprimer notre tristesse face à un certain recul du droit en faveur des victimes, en l’occurrence des animaux, cela ne doit, en aucun cas, décourager les gens à dénoncer des faits de maltraitance », conclut maître Eva Souplet, avocate de la Fondation 30 Millions d’Amis. Sans signalement, des chiens comme Patapouf ou Lily n’auraient jamais eu droit à une nouvelle vie dans la famille d’adoption qui les chérit aujourd’hui !
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