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A Idlib, les anciens djihadistes polissent leur image

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La photo a fait le tour des réseaux sociaux syriens en un clin d’œil. Publiée début février par le journaliste Martin Smith sur son compte Twitter, elle le montre en compagnie d’Abou Mohammed Al-Joulani, le leader du groupe Hayat Tahrir Al-Cham (HTC), une émanation d’Al-Qaida aux commandes de la province rebelle d’Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie. Interviewé pour l’émission « Frontline », diffusée sur la chaîne américaine PBS, le trentenaire à la grosse barbe brune, qui a fait ses armes dans l’insurrection antiaméricaine en Irak, arbore un blazer bleu marine et une chemise soigneusement boutonnée. Une tenue passe-partout, aux antipodes du style treillis-turban-kalachnikov qu’il affectionne habituellement.

Ce relookage théâtral n’est pas innocent. Il vise à ancrer l’idée que l’ancien chef de guerre salafiste et djihadiste, classé terroriste par les Nations unies, a changé. Arrivé sur le champ de bataille syrien en 2013 comme commandant du Front Al-Nosra – le fer de lance de la rébellion, qui multipliait les attentats-suicides contre les positions du régime et revendiquait son affiliation à Al-Qaida −, il dirige aujourd’hui une organisation en rupture avec le discours et les méthodes de cette nébuleuse transnationale.

La ville d’Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie, vue du ciel, le 26 février 2021. La ville d’Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie, vue du ciel, le 26 février 2021.

Purgé de ses éléments les plus radicaux, opposé à toute attaque à l’étranger, HTC se présente comme un mouvement islamiste révolutionnaire syrien, préoccupé avant tout par la préservation de son minifief : une poche de 3 000 kilomètres carrés, peuplée de 2,6 millions d’habitants, dont 50 % de déplacés, et qui constitue l’ultime possession des anti-Assad. L’opération de reconquête de ce territoire, lancée au printemps 2019 par le régime syrien avec le soutien de l’aviation russe, a buté sur les forces turques qui y sont déployées. Après des mois de bombardements ayant causé une catastrophe humanitaire, Ankara et Moscou se sont accordés, en mars 2020, sur un cessez-le-feu, toujours en vigueur.

« Ce que HTC vise avant tout, c’est la survie, expose Patrick Haenni, analyste au Centre pour le dialogue humanitaire, une ONG de médiation, qui s’est rendu à plusieurs reprises ces dernières années à Idlib et a a consigné ses observations dans un long rapport, récemment publié. Joulani sait que la prise de Damas n’est pas à l’ordre du jour et qu’il lui faut tenir dans une guerre d’usure. Le maître mot de HTC, c’est la résilience, beaucoup plus que le djihad. »

C’est au printemps 2015 que le Front Al-Nosra et d’autres groupes armés syriens se sont emparés de la ville d’Idlib. La nécessité d’unir les rangs rebelles face à l’armée russe, arrivée au secours du régime Assad en septembre de cette année, a incité Joulani à se débarrasser de l’encombrante étiquette Al-Qaida. Le divorce avec l’internationale fondée par Oussama Ben Laden a été prononcé en juillet 2016, en même temps que le front se rebaptisait « Fatah Al-Cham ». Six mois plus tard, ce mouvement fusionnait avec quatre autres formations islamistes pour donner naissance à Hayat Tahrir Al-Cham.

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