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Israël-Palestine : l’enquête nécessaire de la Cour pénale internationale

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Editorial du « Monde ». Cinquante-quatre ans après le début de l’occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, la politique de l’Etat d’Israël dans ces territoires est désormais sous la loupe de la Cour pénale internationale (CPI), juridiction créée en 2002 sous l’égide des Nations unies, qui siège à La Haye. L’ouverture d’une enquête sur ce dossier explosif a été confirmée, début mars, par la procureure de l’institution, Fatou Bensouda.

La magistrate gambienne, qui a courageusement passé outre les pressions exercées sur elle par Donald Trump, a fait cette annonce peu après l’arrivée au pouvoir de Joe Biden. L’accueil réservé par le nouveau président démocrate à cette procédure s’annonce comme un marqueur de sa politique proche-orientale. D’autant que l’enquête s’ouvre au moment précis où la normalisation des relations entre Israël et ses voisins arabes, négociée sous Trump, tend à marginaliser la question du droit des Palestiniens à un Etat.

Dans un rapport publié en 2019, Mme Bensouda envisageait de se pencher sur trois sujets : les crimes présumés commis lors de la guerre de l’été 2014, dans la bande de Gaza, tant par l’armée israélienne que par le Hamas ; la répression de la « marche du retour », dans la bande de Gaza en 2018, qui a fait 200 morts et des milliers de blessés ; et la colonisation juive en Cisjordanie, violation de la convention de Genève, qui interdit de modifier la démographie d’un territoire occupé. Ni les Etats-Unis ni Israël ne reconnaissent la CPI. Mais l’Autorité palestinienne y a adhéré en 2015, après avoir obtenu le statut d’observateur aux Nations unies.

Un test de crédibilité pour Biden

L’avocat britannique Karim Khan, qui doit succéder à Fatou Bensouda à la mi-juin, devra faire preuve de la même inflexibilité que sa devancière. Car Joe Biden ne semble pas pressé de respecter l’indépendance de la CPI. Le nouveau président hésite même à lever les sanctions infligées à Fatou Bensouda par Donald Trump, en contradiction avec son engagement à restaurer une diplomatie « des valeurs ». Le signal envoyé par Washington – mais aussi par Berlin, qui a déploré en des termes similaires la décision de la procureure – est d’autant plus regrettable qu’il survient au moment où l’idéal de justice universelle redresse timidement la tête.

Un premier verdict contre un tortionnaire syrien a été prononcé, fin février, par le tribunal de Coblence, en Allemagne. D’autres procédures sont en cours dans d’autres pays, contre d’autres maillons de la machine répressive du régime Assad, selon le même principe de compétence universelle.

Les crimes imputés au pouvoir syrien en dix années de guerre civile et ceux reprochés à Israël depuis 1967 ne sont pas de la même nature. Mais ces deux conflits prospèrent sur le même terreau : l’impunité. Le système judiciaire israélien dénie aux Palestiniens toute capacité à obtenir réparation. Les autres voies qu’ils ont explorées pour défendre leurs droits, qu’il s’agisse de la mobilisation populaire non violente, des négociations, du soulèvement armé, du terrorisme ou du recours à l’ONU, ont fini en impasses. Du fait de l’asymétrie entre les parties et de la répugnance des grandes puissances à peser sur Israël pour que cesse sa politique d’annexion et de fait accompli.

La saisine de la CPI est donc l’ultime planche de salut pour les Palestiniens. C’est un test de crédibilité pour Joe Biden et pour toutes les capitales occidentales qui prétendent défendre la « solution à deux Etats ». Nul ne peut être au-dessus du droit international.

Le Monde

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