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« La persécution politique a commencé ». C’est ainsi que Jeanine Añez a elle-même commenté sur son compte Twitter la photo qu’elle a postée du mandat d’arrêt émis à son encontre par le parquet bolivien, vendredi 12 mars. L’ancienne présidente conservatrice, à la tête du pays de novembre 2019 à novembre 2020, est visée dans le cadre d’une enquête sur un présumé coup d’Etat contre l’ancien chef de l’Etat Evo Morales.
Deux anciens membres du gouvernement ont d’ores et déjà été arrêtés dans la ville de Trinidad (nord-est), les ex-ministres de l’énergie et de la justice, Rodrigo Guzman et Alvaro Coimbra, selon des images retransmises par des télévisions locales. Le lieu où se trouve actuellement l’ancienne présidente par intérim est inconnu, bien que des images télévisées montrent une forte présence policière devant sa résidence à Trinidad, à 600 km de La Paz.
L’enquête ouverte par le parquet fait suite à une plainte déposée en décembre par une ancienne députée du parti d’Evo Morales (2006-2019), Lidia Patty. L’ancienne parlementaire du Mouvement vers le socialisme (MAS) accuse Jeanine Añez, d’anciens ministres, responsables militaires et policiers d’avoir renversé en novembre 2019 M. Morales. Elle a déposé plainte pour « sédition », « terrorisme » et « conspiration ».
« La Bolivie n’a pas besoin de dictateurs » mais de « libertés »
« Le MAS a décidé de revenir aux habitudes de la dictature. C’est dommage car la Bolivie n’a pas besoin de dictateurs, elle a besoin de liberté et de solutions », a ajouté sur Twitter Mme Añez, une ancienne sénatrice de droite. « Nous avons dit que nous nous soumettrons toujours à la loi », a déclaré l’ancien ministre de la Justice Alvaro Coimbra au moment de son arrestation, dénonçant l’« affaire montée de toutes pièces du “coup d’État” ».
Le mandat d’arrêt concerne plusieurs autres ministres du gouvernement par intérim : Yerko Nuñez (présidence), Arturo Murillo (intérieur) et Luis Fernando López (défense). Ces deux derniers ont quitté le pays en novembre et selon Interpol-Bolivie se trouveraient actuellement aux Etats-Unis. Il cible aussi les anciens commandants militaires, William Kaliman et Sergio Orellana, ainsi que l’ex-chef de la police Yuri Calderon.
La plainte vise aussi le dirigeant régionaliste de Santa Cruz (est), Luis Fernando Camacho, qui a joué un rôle clé dans les manifestations ayant conduit au départ d’Evo Morales. Elu gouverneur dimanche, il ne fait toutefois pas l’objet d’un mandat d’arrêt. Dans un message envoyé au président de gauche Luis Arce l’accusant de « persécution politique » il a prévenu que « les Boliviens ne resteront pas inactifs face aux abus ».
« Apprenti tyran »
Les anciens présidents boliviens Carlos Mesa (2003-2005) et Jorge Quiroga (2001-2002), acteurs clés de la transition de pouvoir à Mme Añez en 2019, ont séparément dénoncé les arrestations et mandats d’arrêt. « Nous sommes dans un processus de persécution politique pire que dans les dictatures. Il est exécuté contre ceux qui ont défendu la démocratie et la liberté », a déclaré le centriste Carlos Mesa sur Twitter. Sur le même réseau, Jorge Quiroga (droite) a estimé que « la chasse à la revanche est lancée » et a traité le président Arce d’« apprenti tyran ».
A l’issue de l’élection présidentielle d’octobre 2019, au cours de laquelle Evo Morales briguait un quatrième mandat, et de la confusion qui avait entouré les résultats le donnant vainqueur, l’opposition avait crié à la fraude. Une explosion de violence dans tout le pays avait suivi ces élections, finalement annulées.
Sur fond de manifestations qui avaient fait 35 morts, police et armée avaient retiré leur soutien à M. Morales. Ce dernier a finalement démissionné avant de prendre le chemin de l’exil au Mexique puis en Argentine. Jeanine Añez, deuxième vice-présidente du Sénat, avait prêté serment le 12 novembre 2019. Le parti d’Evo Morales avait alors dénoncé un « coup d’Etat ». Evo Morales est ensuite revenu dans son pays après la victoire de son dauphin Luis Arce à la présidentielle d’octobre 2020.
Des enquêteurs de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) sont actuellement en Bolivie pour enquêter sur les violences de fin 2019.
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