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Yassin Al-Haj Saleh : « Nous, Syriens, frappons à la porte de l’Occident, mais personne ne nous répond »

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L’écrivain et dissident politique syrien Yassin Al-Haj Saleh, à Madrid, le 17 avril 2018. L’écrivain et dissident politique syrien Yassin Al-Haj Saleh, à Madrid, le 17 avril 2018.

Yassin Al-Haj Saleh, 60 ans, est l’un des plus grands intellectuels syriens de sa génération. Homme engagé – son militantisme communiste lui vaut seize ans de prison (1980-1996) sous la dictature d’Hafez Al-Assad –, il prend fait et cause pour la révolution dès mars 2011. Il entre alors dans la clandestinité. En décembre 2013, son épouse, Samira Khalil, est enlevée avec l’avocate des droits de l’homme Razan Zaitouneh et deux autres activistes, probablement par un groupe islamiste, à Douma, dans les faubourgs de Damas, alors sous contrôle de la rébellion. Au même moment, deux de ses frères sont kidnappés à Rakka, leur ville natale, par l’organisation Etat islamique (EI). L’un d’eux est toujours porté disparu. Yassin Al-Haj Saleh s’exile en Turquie en 2014, puis rejoint l’Allemagne en 2017, où il intègre l’Institut d’études appliquées de Berlin. En France, certains de ses écrits ont fait l’objet d’un recueil, La Question syrienne (Actes Sud, 2016).

Comment concevoir la Syrie, pays morcelé par dix ans de guerre ?

Il y a d’abord le protectorat russo-iranien de Bachar Al-Assad. Puis le protectorat de la branche syrienne du PKK [parti kurde armé sécessionniste, interdit en Turquie] sous protection américaine, où se trouve le « Guantanamo européen » [où sont détenus les djihadistes, notamment européens, et leurs familles]. Il y a le protectorat turc, dans le Nord et le Nord-Est ; et la poche d’Idlib, où une branche d’Al-Qaida essaie de se normaliser. Il y a encore la région occupée par Israël depuis 1967 [le Golan], sans compter le ciel syrien, que se partagent le protecteur russe du régime et l’agresseur israélien qui cible l’Iran et ses affidés chiites. Plus ces divisions de fait perdurent, plus elles se cristalliseront dans une division de droit de la Syrie.

Il y a enfin une sixième Syrie : diasporique, déterritorialisée, mais plurielle et indépendante du régime dynastique et génocidaire qui dirige le pays depuis cinquante et un ans. Cette Syrie-là se bat pour vivre et avoir une existence politique.

Les réfugiés forment-ils un groupe homogène, partageant les mêmes vues ?

Non, l’homogénéité n’existe que dans l’esprit de Bachar Al-Assad, qui se targue d’avoir façonné une « société homogène » – en dépit des innombrables vies humaines et infrastructures détruites. Certains réfugiés soutiennent le régime mais ont quitté leur pays pour ne pas être enrôlés dans l’armée. D’autres se sont exilés en raison de leur engagement, pour échapper à la mort. Enfin, beaucoup sont des gens ordinaires et dépolitisés qui ont fui pour mener une vie meilleure. Un large éventail d’opinions s’exprime au sein de la diaspora syrienne : 5,6 millions de personnes [selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés], c’est presque un tiers de la population ! Mais – j’insiste sur ce point –, ce sont eux qui forment la Syrie indépendante.

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