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En activité réduite forcée, les pilotes d’avion doivent rester affûtés

Très éprouvés par la crise, ils volent beaucoup moins qu’avant mais doivent rester affûtés: les pilotes de ligne qui ont pu conserver leur emploi enchaînent les séances de simulateur pour maintenir la validité de leurs licences et éviter de « rouiller ».

Un an après le début de la crise sanitaire, chez Air France, les 16 simulateurs de vol tournent jusqu’à 22 heures sur 24, confie à l’AFP Philippe Lacroute, pilote et porte-parole des opérations aériennes de la compagnie.

L’enjeu pour les professionnels n’est pas seulement de conserver leur dextérité, mais tout simplement le droit de voler. L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) oblige en effet à avoir effectué trois décollages et atterrissages dans les trois derniers mois pour garder une licence valide.

Ce « n’est jamais un sujet en période normale », explique à l’AFP Tanja Harter, pilote de ligne sur Airbus A320 basée à Munich et directrice des affaires techniques de l’European Cockpit Association (ECA), qui fédère des organisations représentant quelque 40.000 pilotes du Vieux continent.

Mais depuis la crise sanitaire qui a amputé de deux tiers le trafic aérien, proportion qui peut encore atteindre plus de 80% pour certaines compagnies, il n’y a plus assez de vols pour permettre de « valider » les pilotes en conditions réelles.

C’est là qu’entrent en scène les simulateurs, qui n’ont rien à voir avec les jeux vidéo grand public. Ecrans reproduisant l’environnement de vol, mouvements imprimés à l’appareil, sons: « cela ressemble à un vol réel à 98 ou 99% », affirme Otjan de Bruijn, président de l’ECA et pilote sur long-courrier chez KLM.

Un simulateur d'Airbus A350 (AFP/Archives - ERIC PIERMONT)

Un simulateur d’Airbus A350 (AFP/Archives – ERIC PIERMONT)

L’OACI accepte le recours à ces appareils pour proroger les licences. Les pilotes doivent aussi passer deux fois par an des examens théoriques et pratiques plus poussés où sont évaluées notamment leurs capacités à réagir à des pannes ou des situations d’urgence.

Des séances de simulateur sont possibles à la demande chez Air France pour limiter l’ankylose au retour aux commandes, tout à fait normale selon M. Lacroute, qui dresse un parallèle: « après le premier confinement, quand j’ai repris ma voiture, le premier créneau que j’ai fait n’était pas très réussi (…) le deuxième était mieux. Dans notre métier, la pratique est fondamentale ».

– Soutien psychologique –

« Les garde-fous sont tellement importants qu’on n’arrive pas dans le risque », insiste Xavier Tytelman, spécialiste de la sécurité aérienne, alors que ces dernières semaines, la presse américaine a fait état d’incidents mineurs attribués par des pilotes au fait qu’ils étaient « rouillés » par l’inactivité.

Pour cet expert, « ce qui a été mesuré, c’est une augmentation du nombre de remises de gaz » pour reprendre de l’altitude après une approche pas optimale (vitesse, sortie des volets…): « il y a des écarts qui sont dans les marges, et c’est pour cela qu’il y a des marges ».

Contactées par l’AFP, ni l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) ni la Direction générale de l’aviation civile en France n’ont dit avoir connaissance d’incidents, l’EASA reconnaissant que « le manque de pratique opérationnelle des pilotes constitue un point d’attention » justement traité par les simulateurs.

Simulateur d'Air France près de l'aéroport de Roissy, en 2019 (AFP/Archives - ERIC PIERMONT)

Simulateur d’Air France près de l’aéroport de Roissy, en 2019 (AFP/Archives – ERIC PIERMONT)

Contrairement à Air France, certaines compagnies ne font voler qu’une partie de leurs effectifs. Une source de tensions et de perte de moral alors que selon l’ECA quelque 18.000 pilotes en Europe ont été licenciés ou risquent de l’être. Et ceux qui volent encore ont vu leur rémunération amputée par la disparition de primes liées à l’activité.

Dans une récente étude portant sur 2.600 pilotes dans le monde publiée par l’agence de recrutement Goose et le média spécialisé FlightGlobal, 82% des pilotes volant régulièrement ou en chômage partiel affirmaient craindre pour leur emploi, un choc pour un secteur qui connaissait encore une pénurie de main-d’œuvre en 2019. Les scénarios les plus optimistes ne voient pas un retour au trafic pré-pandémie avant 2024.

Conscientes des risques psychologiques, de nombreuses compagnies ont mis en place des cellules de soutien. « On ne s’occupe pas seulement de l’entraînement pratique, mais aussi du côté personnel », explique Mme Harter, même si les dispositifs varient selon les statuts, les compagnies et les pays.

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