Battu par l’Irlandais Sam Bennett lors de la première étape dimanche à Saint-Cyr-L’École, et pas dans le coup le lendemain à Amilly dans un final houleux, Arnaud Démare aura sans doute encore un sprint à disputer ce jeudi lors de la 5ème étape de Paris-Nice entre Vienne et Bollène. Il tentera si tel est le cas de décrocher son premier succès en 2021. L’occasion de se pencher sur ce qui fait souvent le succès du sprinter de la Groupama-FDJ triple champion de France : son train.
C’est un ballet chamarré digne des plus grands opéras. Le tableau égaye en général les dix ou quinze derniers kilomètres des étapes de plat. Celles où au bout de l’ennui, on a enfin un peu de croustillant à se mettre sous la dent. Ce ballet, c’est celui des trains de sprinters, tout à coup pressés (après une longue sieste) d’entrer dans la danse et d’occuper l’avant-garde du peloton pour ne plus lâcher un centimètre de terrain aux adversaires. Bille en tête ils foncent à toute allure vers l’arrivée avec une idée: lancer au mieux leurs fusées du sprint respectives. Une bagarre assez fascinante quand on l’observe d’un œil avisé.
« Aujourd’hui c’est nous qui donnons le tempo »
En la matière Arnaud Démare dispose à la Groupama FDJ de ce qui se fait de mieux au monde en 2021. Un train dévoué à sa cause et qui a carrément des allures de TGV les jours où cela sourit. « Aujourd’hui c’est nous qui donnons le tempo du peloton de ce point de vue-là, analyse d’ailleurs Marc Madiot, manager général de l’équipe française. On a un train parmi les trois meilleurs au niveau mondial, tout simplement l’un des plus gros du peloton ». Et qui a notamment permis en 2020 à Arnaud Démare de remporter 4 étapes sur le Tour d’Italie.
Ce train, ce sont en fonction des circonstances jusqu’à quatre bonshommes, serviteurs dévoués du Picard supposés le mettre sur des rails de la victoire. Quatre comparses qui l’accompagnent sur les courses ou lors de ses stages de préparation hivernaux en Espagne. Quatre amis aussi dans la vie qui étaient tous présents le jour de son mariage. Bref des hommes de confiance.
Konovalovas et Scotson, les premiers étages de la fusée
Le premier d’entre eux est Lituanien. Son nom: Ignatas Konovalovas. Une sorte de garde-fou, de Saint Bernard pour le reste de la bande. Son rôle selon Arnaud Démare est fondamental. « On parle souvent du dernier kilomètre, mais parfois le plus important c’est de pouvoir remonter en bonne position à trois bornes de la ligne ». « Kono » justement a pour mission de replacer l’ensemble de l’équipe le plus haut possible dans la hiérarchie avant l’emballage final. Un travail de l’ombre à la fois méticuleux pour se frayer un chemin dans un peloton ou cela joue des coudes, et essentiel pour la suite des opérations.
Le deuxième wagon est lui originaire d’Adelaïde, dans le sud de l’Australie. Quand Miles Scotson prend les choses en mains, c’est-à-dire à trois kilomètres de l’arrivée, sa vitesse avoisine les 60 km/h. Si lui subit au maximum les affres de la résistance atmosphérique, il crée derrière lui une bulle aérodynamique qui abrite ses équipiers du vent et leur permet de prendre de la vitesse tout en s’économisant. Blotti à l’arrière de cette bulle, Arnaud Démare dépense jusqu’à 60% d’énergie en moins. Un gain considérable en vue du final. « C’est tout l’intérêt explique le sprinter. L’important à ce moment-là, c’est d’être placé, et de s’économiser au maximum. »
Sinkeldam et Guarnieri pour propulser Démare
Quand tout se passe comme prévu, le troisième étage de la fusée est un golgoth néerlandais d’1m91 pour 75 kilos. Lui arrive en général aux affaires près de la flamme rouge du dernier kilomètre. Alors que la vitesse du peloton est déjà au-dessus des 60 km/h, il peut aussi jouer un rôle d’éclaireur dans les finals d’étapes sinueux. Il est celui dans l’idéal qui va véritablement lancer le sprint. Pendant ce temps-là, Arnaud Démare doit lui rester ultra concentré, il ne dépense que très peu d’énergie par rapport à ses coéquipiers, mais doit jouer « placé », et être très attentif. Car quinze petits centimètres seulement séparent alors chaque vélo les uns des autres.
A 400 mètres de la ligne, Arnaud Démare n’est plus devancé que par son fidèle lieutenant, l’Italien Jacopo Guarnieri. Son rôle, faire monter l’aiguille du compteur jusqu’à 65 kilomètres heures environ. Dès qu’il faiblit, il se signale du bras par un geste quasi-imperceptible. Et Arnaud Démare peut surgir à 200 ou 250 mètres de la ligne pour affronter à son tour le mur d’air. Il dégage alors une puissance de 1500 watts, l’équivalent d’un scooter électrique, et atteint la vitesse de 70 km/h qu’il va pouvoir tenir (au prix d’un entraînement très intensif) pendant une quinzaine de secondes.
Dans un schéma idéal, Arnaud Démare joue alors la gagne avec ses adversaires les plus coriaces. Mais tempère tout de même. « Quand mon train est là, les chances de réussite sont plus grandes, mais ça ne m’empêche pas d’avoir déjà remporté des sprints tout seul ». Comme par exemple sur la Classicissima Milan San Remo en 2016, ou lors des derniers championnats de France face à un groupe certes très réduit composé seulement de Bryan Coquard et de Julian Alaphilippe.
Quoi qu’il en soit, le triple champion de France le reconnait : « il y a deux écoles. Deux types de sprinters ». Ceux qui apprécient le travail de groupe comme lui, et ceux que cela ne dérange pas ou qui n’ont pas d’autres choix, faute de coéquipiers suffisamment performants, que de se livrer à un exercice solitaire en la matière. Eux sautent de roues en roues dans le dernier kilomètre, de manière un peu plus aléatoire, quoi que, avec la science de la course, certains ont le chic pour se mêler à la lutte en toutes circonstances. Peter Sagan le Slovaque, Bryan Coquard le Français, ou encore Caleb Ewan l’Australien sont des spécialistes en la matière.
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