Sur ordre des autorités espagnoles, 864 veaux ont été abattus au port de Carthagène (Espagne) après plus de deux mois d’errance en mer suite à un blocage administratif aux portes de la Turquie. Sur un second navire, près de 1800 autres jeunes bovins risquent de connaître le même sort. Seule solution pour éviter de tels drames à l’avenir : interdire l’exportation d’animaux vivants hors de l’UE, comme le demandent la Fondation 30 Millions d’Amis et son partenaire Welfarm.
Triste épilogue à un cauchemar de plusieurs semaines ! Embarqués dans deux navires partis d’Espagne le 18 décembre 2020, quelque 2600 jeunes bovins ont enduré un périple éprouvant de deux mois en mer. En cause, le refus par les autorités turques de laisser les animaux entrer sur leur territoire, au motif que ceux-ci provenaient de la région de Huesca, concernée par la présence de fièvre catarrhale [maladie d’origine virale, non-transmissible aux humains, NDLR]. D’autres pays méditerranéens ont ensuite opposé le même refus, condamnant les bêtes à rester bloquées au large. Plusieurs ONG de protection des animaux de ferme s’étaient alors mobilisées afin de secourir les animaux épuisés… sans parvenir toutefois à leur éviter une issue fatale.
Un abattage inéluctable ?
Après ces longues semaines d’errance maritime, l’un des deux navires (le « Karim Allah ») a fini par retourner à son port de départ, celui de Carthagène – où l’association Welfarm, partenaire de la Fondation 30 Millions d’Amis, avait filmé les sévices infligés aux bovins d’origine française avant leur embarquement à destination du Moyen-Orient et du Maghreb. Les autorités espagnoles ont finalement ordonné l’abattage des 864 veaux se trouvant à bord, selon le quotidien The Guardian (1/03/2021). « L’abattage a commencé samedi [6 mars] et serait en train de prendre fin selon nos informations, confirme Adeline Colonat, chargée de mission chez Welfarm, contactée par 30millionsdamis.fr. Il a fallu plusieurs jours pour descendre un à un les animaux du bateau vers des caissons où ils ont été étourdis puis tués, avant de les envoyer à l’équarrissage. »
Cette décision d’abattre les animaux se justifierait par le fait que le navire aurait tenté de rejoindre la Libye ; or, ce pays interdit l’exportation d’animaux vers l’Union européenne pour raisons sanitaires. Un »non-retour », autrement dit. « De manière générale, une fois que les animaux quittent l’UE, ils ne peuvent plus y retourner. Il suffit que le bateau soit entré dans les eaux d’un pays tiers pour que la règle s’applique, même si c’est absurde étant donné que les animaux eux-mêmes n’ont pas posé le sabot sur le sol étranger », explique Adeline Colonat. Le responsable de la compagnie maritime gestionnaire du navire, basée au Liban, a pourtant tenté de s’opposer à l’abattage des animaux, pour leur laisser le temps de guérir… et de trouver un nouvel acheteur ! « Tristement, il nous semble plus « humain » que leur calvaire s’arrête ici, abattus selon les normes européennes, plutôt que de leur faire reprendre la mer et de devoir être égorgés sans étourdissement de l’autre côté de la Méditerranée », estime pour sa part la chargée de mission de Welfarm.
Transportés dans des « cargos-poubelles »
Les bateaux ne sont pas des fermes flottantes !
Adeline Colonat, Welfarm
« Ces deux navires sont bien connus par les ONG de protection animale, qui les appellent les « cargos-poubelles ». Construits il y a plus de 50 ans, ils ne sont plus jugés assez fiables pour transporter des voitures et autres biens de valeur, alors on les affecte au transport d’animaux », fustige Adeline Colonat. Un rapport rédigé par les services vétérinaires espagnols au retour du navire ferait état de la mort de 22 bovins en mer, soulignant l’état de santé médiocre des animaux survivants qui n’auraient pu supporter selon eux ni un nouveau transport, ni une importation dans l’UE. Si le document consulté par le Guardian ne mentionne aucun symptôme de fièvre catarrhale à bord, il relève en revanche de multiples affections telles que des problèmes de peau et des inflammations articulaires. « Il est plus probable que les animaux morts en mer aient succombé à leurs conditions de détention à bord plutôt qu’à une épidémie, estime Adeline Colonat. Les bateaux ne sont pas des fermes flottantes ! Les animaux y sont soumis à des conditions stressantes telles que le mouvement, le bruit permanent et les émissions d’ammoniaque dans l’air qui irritent leurs voies respiratoires. »
Après plusieurs jours ancré au large du port de Famagouste, au nord de l’île de Chypre, un second navire serait également en route pour l’Espagne, d’après les services vétérinaires chypriotes. Sur les quelque 1 800 bovins – âgés de moins d’un an – à bord du « Elbeik », au moins 35 d’entre eux auraient déjà péri en mer, révèle une source citée par le Guardian. « Ce matin, le navire était au sud de la Grèce pour se ravitailler en nourriture pour les animaux », précise Adeline Colonat à 30millionsdamis.fr. Nul ne sait pour l’instant quel sort sera réservé aux survivants à leur arrivée dans les eaux espagnoles, bien que l’abattage reste toutefois l’issue la plus probable. « L’exportateur a peut-être encore l’espoir de faire tester ses animaux pour prouver qu’ils ne sont pas malades et trouver un autre acheteur, mais c’est hautement improbable », affirme la chargée de mission de Welfarm.
Interdire (enfin !) l’exportation des animaux vivants
Une fois que les animaux quittent l’UE, on ne peut plus rien faire pour eux.
Adeline Colonat, Welfarm
« Ce drame qui peut sembler exceptionnel ne l’est pas, au regard des enquêtes menées ces dernières années par les ONG qui observent fréquemment des animaux bloqués à cause de telles « embrouilles » administratives. Une fois que les animaux quittent l’UE, on ne peut plus rien faire pour eux, on n’a plus aucun contrôle sur ce qui leur arrive, dénonce Adeline Colonat. Selon la réglementation européenne, le pays exportateur est responsable du bien-être des animaux jusqu’à leur destination, à savoir le marché aux bestiaux, l’élevage ou l’abattoir… ce qui est impossible en pratique ! La seule solution serait d’exporter des carcasses plutôt que des animaux vivants. » Avec la multiplication des naufrages de cargos transportant des animaux ces dernières années, la Fondation 30 Millions d’Amis avait enjoint au ministère de l’Agriculture de limiter la durée des transports d’animaux vivants à 8 h par jour et d’interdire leur exportation hors de l’UE.
Le gouvernement britannique a récemment lancé une consultation pour interdire l’exportation d’animaux vivants (à l’exclusion des volailles), tandis qu’à l’échelle de l’UE, une commission d’enquête sur le transport d’animaux d’élevage a été initiée en juin 2020 dans l’objectif de renforcer la réglementation. La présidente de cette commission, Tilly Metz (Les Verts), s’est d’ailleurs engagée à ce qu’une enquête soit ouverte au sujet des deux navires bloqués. Chaque année, un milliard de volailles, 37 millions de bovins, cochons, ovins, caprins et équidés sont transportés au sein de l’UE et vers des pays tiers. Entassés, parfois sous des chaleurs étouffantes, ces animaux subissent une souffrance intolérable. D’après Welfarm, la France occupe le 1er rang des fournisseurs de bovins pour l’Espagne, qui est elle-même le premier exportateur d’Europe. Réagissons !
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