France World

« Nous sommes arrivés dans l’épicentre des catastrophes japonaises peu après minuit » : mars 2011, sur la route de Fukushima

https://img.lemde.fr/2021/03/05/4/0/2362/1180/1440/720/60/0/4511058_345607224-hisashi-murayama-375.jpg

Par Jérôme Fenoglio

Publié aujourd’hui à 13h06, mis à jour à 13h13

Ce « Carnet de route » a été publié dans Le Monde Magazine daté du 26 mars 2011. Nous le reproposons aujourd’hui, dix ans après la catastrophe de Fukushima.

« Qu’est-ce que tu fais encore là-bas ? » Pendant toute la semaine, les e-mails et les SMS sont arrivés de Paris, ressassant cette question où l’inquiétude touche presque au reproche. Tu restes encore au Japon, laissent entendre amis et proches, alors que la catastrophe nucléaire se précise, alors que le pays semble perdu – comme on le dirait d’une cause –, alors que la situation des rescapés du tsunami, sur la côte nord-est du pays, n’est même plus grave mais désespérée ?

Comment répondre à cette incompréhension ? Comment faire passer l’idée que non, le pays confronté à la pire conjonction de catastrophes de l’histoire récente n’est pas à terre, que sa société le fait encore tenir debout, même si d’ineptes calculs économiques l’ont placé en si mauvaise posture, en laissant construire des centrales nucléaires là où il ne fallait pas, en ajoutant le délire humain à la brutalité de la nature ?

Comment signifier que le Japon ne sera plus jamais le même après cette tragédie, mais que son peuple donne, dès les premières journées du désastre, l’impression qu’il saura s’en sortir ? Comment faire comprendre que l’hiver atomique ne s’est pas encore abattu sur l’archipel, mais que dans la région de Sendai, la neige, elle, tombe dru, et que le froid tue chaque jour des hommes et des femmes qui avaient cru échapper au pire ? Qu’il est urgent de se préoccuper de ce désastre humanitaire masqué par l’angoisse nucléaire, notamment en essayant de rendre visibles ces victimes, éloignées des journalistes par la crainte, légitime, de la radioactivité ?

Peut-être en revenant sur quelques moments d’une première semaine de reportage, qui montrent que les images de fin du monde ne signent pas la fin d’une nation. Que les échos lointains du désastre déforment parfois la gravité de la situation locale.

Dans la banlieue de Tokyo, le 14 mars 2011, et à Sendai, le 15 mars 2011.Dans la banlieue de Tokyo, le 14 mars 2011, et à Sendai, le 15 mars 2011.
  • Dimanche 13 mars 2011 : à Tokyo, l’angoisse est masquée

Nul chaos, nul exode n’attend le passager qui débarque dans un pays frappé l’avant-veille par le plus inouï des enchaînements de catastrophes. Juste l’atmosphère alanguie d’un aéroport du dimanche. Dans le monorail qui mène vers le centre-ville, des voyageurs plaisantent, des amoureux chuchotent, des vieilles dames ne semblent dissimuler aucune angoisse derrière le masque sanitaire que les Japonais ont pris l’habitude de porter depuis des décennies.

Il vous reste 81.55% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Source

L’article « Nous sommes arrivés dans l’épicentre des catastrophes japonaises peu après minuit » : mars 2011, sur la route de Fukushima est apparu en premier sur zimo news.