Derrière le montant gigantesque du plan de relance américain, l’administration Biden opère un virage résolument social avec pour objectif de réduire de moitié la pauvreté des enfants.
« Le plan de sauvetage américain représente un changement radical de la politique sociale aux Etats-Unis », estime Olivia Golden, directrice du Center for law and social policy.
Car il comprend une myriade de « mesures cruciales pour répondre aux besoins réels des enfants, des jeunes, des familles et des travailleurs », note-t-elle.
La loi approuvée définitivement par le Congrès mercredi sera signée par Joe Biden vendredi.
Les mesures totalisant 1.900 milliards de dollars vont doper cette année la croissance américaine, certains économistes tablant sur au moins 7%, grâce aux chèques qui seront prochainement distribués aux Américains. Au total, ce sont 400 milliards de dollars qui vont soutenir les dépenses de consommation.
Mais au-delà de l’impact économique, les experts louent des mesures sociales ambitieuses.
La pandémie de Covid-19 a jeté une lumière crue sur les inégalités aux Etats-Unis où il n’existe pas de filet de sécurité sociale et où le taux d’épargne est faible voire inexistant pour les foyers les plus modestes ainsi que les minorités noire et hispanique.
Aussi, la récession économique survenue brutalement au printemps 2020 — la pire depuis la Seconde Guerre mondiale — a-t-elle aggravé la pauvreté.
En signant le 22 janvier deux décrets pour renforcer l’aide alimentaire et les droits sociaux, Joe Biden avait dénoncé le « scandale » de la crise de la faim.
« Un foyer sur sept en Amérique, et plus d’un sur cinq dans les foyers noirs et latinos, rapportent qu’ils n’ont pas assez à manger », avait-il déploré. « Cela inclut presque 30 millions d’adultes et 12 millions d’enfants. »
– Retombées –
L’une des mesures les plus remarquables prévues par le plan Biden est incontestablement l’élargissement des crédits d’impôts pour les gardes d’enfants dont les foyers les plus modestes étaient jusqu’alors exclus.
Les démocrates ont décidé de bousculer cet avantage fiscal en le rendant non seulement plus généreux mais encore en changeant les conditions de ressources pour la percevoir.
Le but: rendre le crédit d’impôt pour enfants accessible à tous les enfants sauf dans les foyers riches, résume le CBPP (Center on budget and policy priorities), un institut de recherche indépendant.
La loi prévoit désormais 3.600 dollars pour les enfants jusqu’à 5 ans et jusqu’à 3.000 dollars pour les enfants de 6 à 17 ans contre 2.000 dollars auparavant.
« Si le plan est pleinement mis en œuvre cette année, il pourrait réduire la pauvreté des enfants de plus de 50% », souligne Zach Parolin, professeur au Centre de Recherches sur la pauvreté de l’Université de Columbia.
« Il va sans dire qu’il s’agit d’une baisse spectaculaire (…) avec d’énormes avantages pour les familles avec enfants en particulier », explique-t-il.
L’institut a également mené une étude pour calculer l’impact financier.
« Une analyse sur le coût (…) de l’expansion du crédit d’impôt pour enfants, conclut qu’un investissement de 100 milliards de dollars rapporterait environ 800 milliards de dollars en retour grâce à l’amélioration de la santé, des revenus, etc. des enfants et des parents », détaille Chris Wimer, l’un des chercheurs.
Mais pour que ces effets soient durables, encore faut-il rendre ces mesures permanentes, souligne-t-il.
Ce serait alors « historique dans le développement de l’Etat providence », souligne Zach Parolin.
La prochaine tâche du gouvernement sera aussi « d’ajouter des éléments manquants cruciaux, tels que des congés familiaux payés », estime également Olivia Golden.
Pour Bradley Hardy, professeur à l’American University, le gouvernement doit voir cela comme un investissement pour l’avenir alors qu’ »il existe des preuves substantielles (…) que l’accès aux ressources économiques pendant l’enfance peut stimuler une gamme de résultats socio-économiques à plus long terme ».
« La manière dont ces extensions de crédit d’impôts peuvent réduire la pauvreté des enfants sont une motivation importante pour les décideurs politiques, une motivation qui a également résonné dans les années Blair », ajoute-t-il.
Mardi, David Leonhardt, journaliste au New York Times, rappelait qu’il y a 22 ans, le Premier ministre britannique Tony Blair annonçait un plan ambitieux pour lutter contre la pauvreté des enfants en Grande-Bretagne.
« A l’époque, plus de 25% des enfants britanniques vivaient dans la pauvreté », écrit-il. « Au cœur de la campagne se trouvaient les aides du gouvernement aux familles avec enfants. »
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