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TémoignagesDes centaines de milliers de femmes, le plus souvent pauvres et ne parlant pas espagnol, ont été opérées sous la contrainte dans les années 1990, dans le cadre d’un plan de lutte contre la pauvreté.
« Un jour, ils sont venus me chercher et ils m’ont fait monter de force dans une ambulance. Je n’étais pas seule, il y avait d’autres femmes avec moi, ils nous ont emmenées comme du bétail. » Aurelia Paccohuanca avait 24 ans quand elle a été forcée de subir une opération de stérilisation. « On m’a dit que je ne devais plus avoir d’enfants, que je devais me faire ligaturer les trompes. Je ne savais même pas ce qu’était la ligature des trompes ! “Comment, vous ne savez pas ?”, on m’a dit. “Vous êtes des ignorants !” Arrivées au centre de santé, on nous a demandé de nous déshabiller, certaines femmes criaient. »
Les médecins l’endorment, l’opèrent alors qu’elle est à demi consciente et la renvoient chez elle, sans aucun suivi post-opératoire. C’était en 1998, sous la présidence d’Alberto Fujimori (1990-2000). Elle en garde des douleurs et un profond traumatisme.
De langue quechua, la deuxième du pays, Aurelia, originaire de Ancahuasi, près de Cuzco, dans les Andes, à plus d’un millier de kilomètres de Lima, a été l’une des premières à dénoncer ces crimes, dans un pays où la parole des femmes amérindiennes – qui plus est pauvres – est peu écoutée. Elle fait partie des 1 307 victimes dont la plainte a été reçue et qui attendent que la justice avance.
La stérilisation comme méthode contraceptive
Car vingt-cinq ans après les faits, l’impunité est totale. Aucun responsable n’a été condamné. L’enquête préliminaire a duré plus de seize ans et, avant l’arrivée d’un nouveau procureur qui a donné un coup d’accélérateur en 2018, le dossier a été classé à quatre reprises.
C’est dire si l’audience publique, qui a débuté le 1er mars par visioconférence, était très attendue. Elle s’est déroulée sans la présence de M. Fujimori, en prison, condamné en 2009 dans d’autres affaires à vingt-cinq ans d’emprisonnement pour crimes contre les droits humains et corruption. Cette série d’audiences préliminaires n’est que la première étape avant une enquête judiciaire qui ouvrirait la voie à un procès pénal hors norme. Le plus grand de l’histoire du Pérou si l’on prend en compte le nombre de victimes.
Le procureur chargé de l’enquête, Pablo Espinoza, a exposé les charges qui pèsent sur l’ex-autocrate de 82 ans et trois de ses anciens ministres de la santé : Eduardo Yong Motta, Marino Costa Bauer et Alejandro Aguinaga – candidat au Congrès du parti fujimoriste Fuerza Popular pour les élections du 11 avril. D’autres hauts fonctionnaires sont également ciblés. Tous sont accusés d’avoir orchestré et mis en œuvre une politique de stérilisations forcées entre 1996 et 2000 et sont poursuivis pour « atteinte à la vie, au corps et à la santé ».
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