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Encore une votation compliquée dans la Confédération helvétique, sur un sujet très émotionnel. Dimanche 7 mars, les citoyens suisses, masqués en raison du Covid-19, devaient voter pour interdire ou non dans tous les lieux publics « n’importe quel dispositif visant à cacher son visage ».
Le Comité d’Egerkingen, une association proche de l’Union démocratique du centre (UDC, droite populiste), recourt ainsi à une périphrase au lieu de nommer le niqab ou d’autres pièces de vêtement utilisées parfois par les femmes musulmanes pour cacher tout ou partie de leur visage. Les promoteurs du projet soulignent même que leur texte s’appliquerait aussi « aux hooligans ».
Pour la population, c’est plus simple. Elle se décidera sur « l’initiative anti-burqa », ainsi que la nomment les médias depuis des semaines. Les Suisses votent donc à nouveau, douze ans après avoir symboliquement interdit les minarets alors qu’aucun n’était en construction, sur un thème politique hautement sensible.
« La question n’aurait pas dû être posée dans les urnes, estime l’islamologue Stéphane Lathion. Il n’y a qu’une poignée de femmes portant le voile intégral dans le pays. En majorité, ce sont des converties qui le font souvent par provocation intellectuelle, ou parce qu’elles sont en rupture de ban. C’est un prétexte utilisé pour jeter de l’huile sur le feu pour ceux que la présence musulmane dérange. Si l’initiative passe, il faudra inscrire un nouvel article dans la Constitution alors que la législation permet déjà de régler les abus au niveau local. »
« Une affaire de civilisation »
Aucune loi fédérale ne se prononce jusqu’ici sur cette question. Seuls les cantons de Saint-Gall (est) ou du Tessin (sud) ont prohibé la dissimulation du visage, et les rares infractions sont gérées par la police de manière courtoise, sur le mode de l’avertissement plutôt que de la punition. Les amendes sont rares.
La Suisse compte 4,4 % de musulmans sur 8,5 millions d’habitants. Dans neuf cas sur dix, ils sont originaires des Balkans (Bosnie, Kosovo) ou de Turquie, peu pratiquants, et bien intégrés. Non représentées politiquement, leurs communautés sont aussi divisées, ce qui ajoute à leur relatif anonymat au sein de la société. Alors pourquoi cette insistance à vouloir trancher la question ?
Pour l’UDC, c’est d’abord une question existentielle. Le parti est en perte de vitesse ces dernières années, loin de ses records électoraux du début des années 2010 (près de 30 % des voix), quand il donnait le ton sur ses seules préoccupations, immigration et europhobie. S’il reste la première formation de Suisse – avec 23 % de l’électorat, d’après les sondages –, le débat politique s’est recentré pendant qu’émergeaient d’autres sujets de préoccupation dans l’opinion publique, le climat d’abord, puis la pandémie.
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