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Jean-François Colosimo : « La disparition des chrétiens d’Orient est une catastrophe de civilisation »

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Une religieuse chrétienne repeint le crucifix à l’entrée d’un couvent à Karakoch, en prévision de la visite du pape François, en Irak, février 2021. Une religieuse chrétienne repeint le crucifix à l’entrée d’un couvent à Karakoch, en prévision de la visite du pape François, en Irak, février 2021.

Historien des religions, Jean-François Colosimo est l’auteur de La Malédiction des chrétiens d’Orient (Fayard, 2014, réédité en 2018 dans la collection « Pluriel »). Il revient ici sur les origines du christianisme oriental, ses mutations dans l’histoire, et déplore l’avenir malheureusement sombre qui se dessine pour les « frères aînés des chrétiens du reste du monde ». Un éclairage indispensable au moment de la visite historique du pape François en Irak.

Quelles sont les racines historiques des chrétiens d’Orient ?

Jean-François Colosimo. Nous voyons le christianisme comme une religion occidentale, car c’est en Europe qu’il s’est développé. Or, le christianisme est à l’origine une religion orientale. Les chrétiens d’Orient ne sont pas nos petits frères perdus de l’autre côté de la Méditerranée, ce sont les frères aînés des chrétiens du reste du monde.

Ils attestent de la permanence de l’Evangile non seulement dans son berceau, en Terre sainte, mais aussi dans l’aire géographique où s’est développée la communauté chrétienne primitive : de l’Egypte – avec Alexandrie, siège de saint Marc – au monde sémitique qui va vers la Mésopotamie et le Croissant fertile, dominé par la ville d’Antioche – où, selon les Actes des apôtres, les chrétiens ont été appelés pour la première fois « chrétiens » –, et jusqu’à l’Asie Mineure et la Grèce, en suivant les voyages de saint Paul. Ces communautés sont à la fois des peuples, des langues, des cultures, des Eglises et des confessions de foi.

Comment sont apparues les premières Eglises chrétiennes orientales ?

Les premiers conciles œcuméniques, qui ont tous lieu en Orient, occasionnent les premiers grands schismes dès le Ve siècle. Le concile d’Ephèse (431) proclame Marie mère de Dieu. Les chrétiens de Perse, en désaccord, se séparent et fondent l’Eglise assyrienne, dont la partie ultérieurement réunie à Rome forme aujourd’hui les Chaldéens d’Irak. Vingt ans plus tard, le concile de Chalcédoine (451), qui affirme que Jésus est à la fois Dieu et homme, provoque d’autres départs : les Syriaques du Levant, les Arméniens du Caucase et les coptes d’Egypte.

Les relations entre chrétiens et musulmans, au Moyen-Orient, ont-elles toujours été conflictuelles ?

A son arrivée au VIIsiècle, l’islam instaure le statut de dhimmi, cette citoyenneté inférieure réservée aux juifs et aux chrétiens. Sous les califats arabes comme sous l’Empire ottoman, on préférera leur faire payer le double impôt plutôt que de les convertir de force. Aux temps modernes, soutenus par la France et la Russie, les chrétiens atteignent rapidement un niveau d’éducation supérieur. D’un côté, ils sont vus comme des ambassadeurs du progrès très utiles à la Sublime Porte, le gouvernement ottoman. De l’autre, ils inquiètent les musulmans traditionalistes attachés à l’ordre ancien.

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