France World

Malika Rahal : « Il faut se tourner vers les familles pour faire la lumière sur les disparus de la guerre d’Algérie »

https://img.lemde.fr/2021/03/04/186/0/2380/1190/1440/720/60/0/1093e66_5328135-01-06.jpg

A Alger, plaque de rue rendant hommage à Ali Boumendjel, le 4 mars 2021. A Alger, plaque de rue rendant hommage à Ali Boumendjel, le 4 mars 2021.

L’historienne Malika Rahal, spécialiste du Maghreb contemporain et notamment de l’histoire de l’Algérie, est l’autrice de l’ouvrage de référence sur l’avocat Ali Boumendjel : Ali Boumendjel (1919-1957). Une affaire française, une histoire algérienne (Les Belles Lettres, Paris, 2010). Elle coanime avec l’historien Fabrice Riceputi le projet 1000autres.org qui s’efforce d’identifier les victimes de disparitions forcées durant la guerre d’Algérie.

Alors qu’Emmanuel Macron a reconnu « au nom de la France », mardi 2 mars, l’assassinat en mars 1957 d’Ali Boumendjel par des militaires français, un geste recommandé par le rapport de Benjamin Stora sur la réconciliation mémorielle franco-algérienne, Mme Rahal insiste dans un entretien au Monde Afrique sur la nécessité de poursuivre le travail d’investigation historique sur l’ensemble des disparus entre les mains des autorités durant la guerre.

Comment avez-vous réagi à la reconnaissance par Emmanuel Macron « au nom de la France » qu’Ali Boumendjel a bien été « assassiné » par des militaires français en 1957 ?

Malika Rahal Ma première réaction a été de penser beaucoup à Malika Boumendjel [la veuve d’Ali] et à son fils Sami qui avaient été les deux chevilles ouvrières du combat pour la vérité, mais sont tous deux décédés aujourd’hui. Du coup, je n’arrive pas vraiment à me débarrasser de l’impression que c’est tard. C’était très important pour Malika Boumendjel. Je suis un peu navrée qu’elle n’ait pas pu assister à cela. Mais, pour être tout à fait franche, je ne pensais pas qu’il y aurait cette reconnaissance pour Boumendjel. Au moment de la publication du rapport Stora, je pensais que cela n’arriverait pas, que ça n’allait pas fonctionner pour des raisons politiques. Je me suis trompée.

Comment voyez-vous la suite de l’entreprise mémorielle esquissée par Macron sur la base du rapport de Benjamin Stora ?

Il y a des éléments intéressants, notamment le fait que les choses sont plus claires que lors de l’étape précédente, celle de la reconnaissance de l’assassinat de Maurice Audin [en septembre 2018]. Il y a du multiple dans cette nouvelle reconnaissance. Au-delà d’Ali Boumendjel, le communiqué de l’Elysée cite d’autres cas proches dans la famille, comme le père de Malika, Belkacem Amrani, son frère André Amrani, ainsi que Mohand Selhi, un ami d’Ali Boumendjel. Tous ont été enlevés et avaient disparu. Donc, on commence à avoir un tableau un peu plus vaste que le dossier d’une personne à chaque fois. C’est important, car la question maintenant est celle de la suite. Que fait-on d’une situation où on n’arrive même pas à connaître les noms de ceux qui ont été victimes de disparitions forcées lors de la bataille d’Alger ? Il y a une difficulté scientifique à les connaître sans parler de la difficulté politique à imaginer la suite.

Il vous reste 56.99% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Source

L’article Malika Rahal : « Il faut se tourner vers les familles pour faire la lumière sur les disparus de la guerre d’Algérie » est apparu en premier sur zimo news.