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D’Alep à Damas, des vies en ruines

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Par Rami Al-Bustan

Publié aujourd’hui à 17h37

« Ton tour arrive, docteur », scandaient les manifestants aux premiers jours de mars 2011, lors de ce qui allait devenir l’épisode syrien des « printemps arabes ». Dix ans de guerre civile, de « conflit », dit-on pudiquement chez les loyalistes, et Bachar Al-Assad est toujours là. Unique rescapé d’une vague qui avait balayé les autocrates de la région, maintenu au pouvoir au prix d’une implacable brutalité et du soutien extérieur russe et iranien à son régime.

Dix ans, et celui dont personne ne prononce le prénom en public est partout, sous toutes les formes : père de la nation souriant, militaire austère, moustachu, rasé de près, seul, avec son frère, son père ; en petit, en grand, sur les bâtiments officiels, les ronds-points, les écoles, les magasins, en décalcomanie sur la vitre arrière, encadré, accroché, en affichettes de papier collées au mur… Le président syrien a fait de sa personne le fer de lance de la propagande d’Etat.

Un rideau de fer aux couleurs du drapeau syrien, dans la vieille ville de Damas, Syrie, fin 2020.Un rideau de fer aux couleurs du drapeau syrien, dans la vieille ville de Damas, Syrie, fin 2020.

Les rideaux de fer sont peints aux couleurs du drapeau syrien, « suggestion » des autorités, loyalisme de façade pour une population étouffée par la crise économique. A Damas, siège du pouvoir, tous les rideaux sont peints, sans exception. A Alep, à Homs, on remarque qu’il en manque quelques-uns. Il faut quitter la capitale syrienne, par l’autoroute M5, celle qui part au nord, à travers les faubourgs de Damas, d’Homs puis d’Hama, bastions d’opposition au régime, pour découvrir le prix de cette guerre civile qui a fait jusqu’ici 500 000 morts et 12 millions de déplacés (selon Amnesty international).

« Ceux qui sont sortis du pays ne peuvent plus y revenir, et ceux qui sont partis reviennent souvent dans des ruines. Alors je reste ici, et j’attends. » Nabil, habitant d’Alep-Ouest

Faire les quatre heures de route qui mènent à Alep, à travers les territoires reconquis par le régime, et voir défiler par la fenêtre la succession de villages vidés, d’infrastructures rasées et de bâtiments écroulés, pour comprendre le grand gâchis de la guerre. « Bienvenue à Alep, la reine du monde ! », lance, goguenard, le jeune Nabil, installé dans un restaurant de la partie occidentale, rappelant ironiquement que la ville est une des plus anciennes cités de l’humanité.

Habitant d’Alep-Ouest, lui n’est pas parti lors des combats. « Où voulais-tu que j’aille ? fait-il mine de ­s’enquérir. As-tu vu comment ceux qui sont partis ont été accueillis ? » Et il énumère la liste de ses amis ayant fui la ville ou la Syrie. « Ceux qui sont sortis du pays ne peuvent plus y revenir, et ceux qui sont partis à cause des combats reviennent souvent dans des ruines, explique-t-il, fataliste. Alors je reste ici, et j’attends. »

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