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Journée mondiale contre l’obésité : un problème de taille pour les pays africains

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Publié le : 04/03/2021 – 18:39

C’est l’un des paradoxes d’un continent qui doit encore résoudre le problème de la faim : l’obésité gagne du terrain dans les villes mais aussi dans les campagnes de nombreux pays africains, qui commencent à prendre à bras le corps ce problème de santé publique. 

C’est un phénomène mondial. Et l’Afrique y échappe pas. En 2018, une étude de l’OCDE révélait que la moitié des Ghanéens urbains seraient désormais trop “gros”, comme un tiers des Béninois, Togolais, Nigérians, Nigériens, Ivoiriens ou Maliens. En Afrique du Sud, plus d’un quart de la population générale est également considérée en surpoids.

Cette tendance à l’embonpoint est le résultat d’une combinaison de facteurs. Elle concerne essentiellement les villes car l’Afrique connaît une urbanisation rapide, qui modifie profondément les modes de vie. « Il y a plus d’activités sédentaires, plus de transports motorisés, en particulier dans les classes les plus aisées de la population urbaine, qui sont d’ailleurs les premières touchées par l’obésité”, détaille l’agro-économiste Nicolas Bricas à l’agence d’information économique africaine Ecofin

La hausse du niveau de vie permet également d’accéder plus facilement à des produits gras et salés, d’autant plus valorisés que « ces produits étaient autrefois relativement rares, peu accessibles et relativement coûteux ».

Cependant, l’obésité n’est plus l’apanage exclusif des grandes villes. « Les études les plus récentes ont montré que désormais, l’obésité augmentait plus rapidement en milieu rural qu’en milieu urbain. On estime qu’environ la moitié de l’alimentation d’un agriculteur d’un pays émergent vient de sa production. Le reste, ce sont des conserves et des produits industrialisés achetés dans le commerce, beaucoup moins bons pour la santé », analyse pour France 24 l’épidémiologiste Yves Martin-Prével de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), qui a passé de nombreuses années en poste en Afrique.

Obésité et malnutrition : le double fardeau

Certains observateurs dénoncent également une « américanisation » de l’alimentation, avec une croissance exponentielle du nombre de fast-food en Afrique de l’Ouest. « Par souci de modernité, on voit beaucoup les populations adolescentes s’identifier à des modèles occidentaux », confirme Yves Martin-Prével, qui pointe également du doigt des pratiques commerciales agressives de l’industrie agro-alimentaire. « Il existe des zones reculées en Afrique où l’on trouve plus facilement une bouteille de soda qu’une bouteille d’eau minérale ».

Les pays africains se retrouvent confrontés à ce que les chercheurs appellent le double fardeau : obésité et malnutrition. Dans les pays occidentaux, la transition nutritionnelle au cours de laquelle les habitudes alimentaires ont profondément changé (sédentarisation, industrialisation…) s’est faite sur un siècle. Or, cette transition a été beaucoup plus rapide en Afrique et a favorisé à la fois le surpoids et les carences, alimentaires notamment en fer et en vitamine A.

Ces carences sont à l’origine du phénomène dit de « programmation fœtale de l’obésité” sans que l’on sache précisément son importance dans l’explosion de l’obésité en Afrique. Il est démontré que des femmes enceintes en situation de carences alimentaires vont donner naissance à des enfants qui seront davantage susceptibles de devenir obèse, car le corps va intégrer le manque de nourriture et plus tard « l’organisme va avoir tendance à stocker davantage ».

Un défi de santé publique

L’obésité est un facteur de risque bien connu pour divers problèmes de santé chroniques comme les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2 et certains cancers. Un rapport publié en 2017 par la revue médicale The Lancet révélait la menace que faisait peser sur les économies d’Afrique subsaharienne la recrudescence du nombre de cas de diabète.

En 1980, à peine plus de 3 % de cette population souffrait de diabète, ce qui représentait 4 millions d’individus. Trente ans plus tard, plus de 25 millions de personnes seraient concernées. Les coûts liés au diabète en Afrique subsaharienne pourraient ainsi tripler d’ici à 2030 pour atteindre 52 milliards d’euros. Ce montant inclut le coût des traitements et des hospitalisations mais aussi la perte de productivité estimée du fait des décès prématurés et des arrêts de travail.

Conscients de la menace, certains pays tentent de prendre le problème à bras-le-corps. « Depuis une dizaine d’années, il y a une prise de conscience des gouvernements de l’importance d’avoir des politiques publiques, notamment vis-à-vis de l’obésité infantile », explique Yves Martin-Prével. « Aujourd’hui, 23 pays africains sur 54 ont pris des mesures pour limiter la consommation de boissons sucrées. C’est un énorme progrès ». En avril 2018, par exemple, l’Afrique du Sud a mis en place une taxe sur les boissons sucrées non alcoolisées.

En dehors des politiques nationales, le regard des bailleurs internationaux, peu enclins à financer des programmes contre l’obésité en Afrique, a aussi évolué sur cette question longtemps éclipsée par les problèmes de sécurité alimentaire.

Cependant, la lutte contre l’obésité en Afrique sera un combat de longue haleine. Dans de nombreuses sociétés africaines, l’obésité n’est souvent pas perçue comme un problème, encore moins une maladie mortelle.

Pourtant, selon l’OMS, au moins 2,6 millions de personnes meurent chaque année du fait de leur surpoids ou de leur obésité dans le monde.

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