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En Birmanie, les militaires infligent deux nouvelles inculpations à Aung San Suu Kyi

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Près de la prison d’Insein à Rangoun, les forces de sécurité ont tiré sur des manifestants rassemblés pour protester contre les multiples arrestations de la veille. Près de la prison d’Insein à Rangoun, les forces de sécurité ont tiré sur des manifestants rassemblés pour protester contre les multiples arrestations de la veille.

C’est sa première apparition depuis son arrestation, le 1er février. Déjà poursuivie pour avoir enfreint d’obscures règles commerciales et sanitaires, l’ex-dirigeante birmane Aung San Suu Kyi comparaissait, lundi 1er mars, en vidéoconférence devant la justice. L’ex-dirigeante de 75 ans, renversée par un coup d’Etat et assignée à résidence dans la capitale birmane, Naypyidaw, a été inculpée pour deux nouvelles infractions, a annoncé son équipe d’avocats.

La Prix Nobel de la paix est désormais poursuivie pour avoir violé une loi sur les télécommunications et pour « incitation aux troubles publics », a détaillé l’avocat Nay Tu. Aung San Suu Kyi, tenue au secret depuis son arrestation, était déjà poursuivie pour avoir importé illégalement des talkies-walkies et pour ne pas avoir respecté des restrictions liées au coronavirus. Elle semble « en bonne santé », a déclaré son avocat, Khin Maung Zaw, qui voyait pour la première fois sa cliente, n’étant toujours pas autorisé à la rencontrer.

Aucun motif politique n’a, à ce stade, été avancé alors que les généraux ont justifié leur putsch en alléguant d’« énormes » fraudes aux élections de novembre, remportées massivement par le parti de la Prix Nobel de la paix, La Ligue nationale pour la démocratie (LND).

Ces nouvelles inculpations surviennent au lendemain de la journée de répression la plus meurtrière depuis le coup d’Etat. Au moins 18 personnes ont été tuées dimanche par les forces de sécurité venues disperser des rassemblements prodémocratie, selon les Nations unies, qui se basent sur « des informations crédibles ». L’Agence France-Presse a pu confirmer de source indépendante onze morts, mais certains rapports mettent en avant un bilan encore plus lourd que celui rapporté par l’ONU.

Lundi soir, la chaîne de télévision d’Etat MRTV a affirmé de son côté que plus de 1 300 personnes ont été arrêtées et que onze personnes ont été tuées dimanche, ajoutant que les forces de sécurité ont reçu l’ordre de ne pas tirer à balles réelles contre les manifestants.

Nouvelles manifestations lundi

Malgré la peur des représailles, les contestataires étaient de nouveau dans les rues, lundi, et les tensions étaient vives. Près de la prison d’Insein, à Rangoun, les forces de sécurité ont tiré sur des manifestants rassemblés pour protester contre les multiples arrestations de la veille, d’après une retransmission en direct sur les réseaux sociaux.

Il n’était pas possible, à ce stade, de savoir si les tirs avaient été effectués à balles réelles ou avec des munitions en caoutchouc. « Nous sommes unis ! », scandaient les contestataires.

Dans d’autres endroits de la capitale économique, certains manifestants ont érigé des barricades de fortune avec des panneaux de bois, des canapés ou des poteaux en bambou pour se protéger. La police a tiré avec des balles en caoutchouc pour tenter d’en disperser certains, d’après un média local qui fait état de plusieurs blessés.

Trois manifestants sont notamment morts à Dawei, dans le sud du pays, touchés par « des tirs à balles réelles », selon un secouriste. Des habitants sont descendus lundi matin dans les rues de la ville côtière pour déposer des fleurs rouges et allumer des bougies devant les portraits des victimes.

« L’armée birmane est une organisation terroriste », a réagi sur Facebook Thinzar Shunlei Yi, une militante de premier plan. Les médias d’Etat ont averti, dimanche, que « des mesures sévères ser[aie]nt inévitablement prises » contre des « foules anarchiques ».

On dénombre, désormais, une trentaine de morts dans les rangs des manifestants depuis le putsch du 1er février, d’après AAPP, une organisation non gouvernementale d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP, pour Assistance Association for Political Prisoners). L’armée affirme, pour sa part, qu’un policier a péri en tentant de disperser un rassemblement.

Des condamnations internationales

L’utilisation par la police et l’armée d’armes létales contre des manifestations largement pacifiques a suscité un nouveau concert de protestations internationales. Le secrétaire d’Etat des Etats-Unis, Antony Blinken, a condamné sur Twitter « la violence abominable des forces de sécurité birmanes ».

« L’usage de forces létales (…) et les arrestations arbitraires sont inacceptables », a réagi, de son côté, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), Antonio Guterres. « Le monde doit intensifier sa réponse. Les mots de condamnation sont les bienvenus mais sont insuffisants », a déploré le rapporteur spécial des Nations unies l’ONU, Tom Andrews, ajoutant qu’il allait publier lundi une liste d’options à proposer au Conseil de sécurité.

L’ambassadeur birman aux Nations unies, Kyaw Moe Tun, avait lui-même rompu quelques jours plus tôt de manière spectaculaire avec les généraux putschistes en appelant à « mettre fin au coup d’Etat militaire » et à « rendre le pouvoir de l’Etat au peuple ». Il a été démis de ses fonctions par la junte.

Le ministère des affaires étrangères allemand a convoqué lundi l’ambassadeur de Birmanie à Berlin. « Une telle violence meurtrière contre des manifestants pacifiques ne peut être justifiée », a déclaré le porte-parole de la chancelière Angela Merkel, Steffen Seibert.

A Paris, la diplomatie française a condamné « avec la plus grande fermeté l’escalade de la violence choisie par les forces de sécurité birmanes » et appelé à « un arrêt immédiat de ces violences ».

Les ministres des affaires étrangères d’Asie du Sud-Est doivent discuter mardi de la crise lors de discussions informelles en ligne. Mais les nombreuses condamnations internationales et l’annonce de sanctions par les Etats-Unis et l’Union européenne n’ont pour l’instant pas réussi à infléchir les militaires.

Les vagues d’arrestations se poursuivent et plus de 1 100 personnes ont été interpellées, inculpées ou condamnées depuis le coup d’Etat, selon l’AAPP. Un média officiel a fait état de 571 arrestations pour la seule journée de dimanche. Plusieurs journalistes ont été arrêtés ces derniers jours, dont un photographe de l’agence de presse Associated Press (AP).

Les derniers soulèvements populaires de 1988 et de 2007 ont été réprimés dans le sang par l’armée déjà au pouvoir pendant près de cinquante ans depuis l’indépendance du pays, en 1948. Les généraux, qui contestent le résultat des élections de novembre remportées massivement par le parti d’Aung San Suu Kyi, la LND, ont promis la tenue d’un nouveau scrutin.

Le Monde avec AFP

Source

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