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Dans la zone euro, l’annulation des dettes publiques est une impasse politique

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Analyse. L’année après la victoire surprise du Brexit au référendum de juin 2016, les milieux politiques et économiques britanniques ont été pris d’une étrange fièvre. Les deux camps – brexiters et remainers – se sont opposés violemment et avec véhémence sur la politique à suivre. Ces discussions n’avaient qu’un défaut : elles ne prenaient absolument pas en compte les exigences et les lignes rouges de Bruxelles. Les Britanniques débattaient entre eux, oubliant que la vraie négociation devait se tenir avec le camp adverse. Le réveil n’en fut que plus douloureux.

La controverse autour de l’annulation des dettes qui enflamme actuellement les économistes et les dirigeants politiques français fait penser à ce débat en vase clos. Chacun est retranché sur ses positions, avec des arguments passionnants et souvent recevables. Mais il s’agit d’une bulle intellectuelle, loin de toute réalité. A l’heure actuelle, pour des raisons essentiellement juridiques et politiques, l’annulation des dettes publiques détenues par la Banque centrale européenne (BCE) est inimaginable.

Il suffit d’écouter la BCE elle-même, après tout la première concernée. En octobre 2020, Christine Lagarde, sa présidente, le disait déjà au Monde : selon elle, les traités européens interdisent l’annulation des dettes. A l’époque, on avait insisté, lui demandant ce qu’elle pensait de l’argument économique, au-delà de la question juridique. Elle avait refusé de s’aventurer sur ce terrain, rappelant qu’elle est juriste de formation et qu’elle n’entendait pas violer le droit. Depuis, Mme Lagarde et tous les membres du Conseil des gouverneurs sont sur la même ligne.

Et même si la question légale était discutable (on va y revenir), les tenants d’une annulation de la dette ont contre eux la politique. « Les représentants des pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche ou la Finlande, au Conseil des gouverneurs de la BCE, s’opposeraient à l’annulation », explique Eric Dor, directeur de la recherche économique à l’Iéseg, une école de commerce. Eux défendent l’idée qu’une dette doit se rembourser, qu’il en va de la crédibilité de l’emprunteur. C’est peut-être regrettable, mais le monde est ainsi fait. L’annulation des dettes est une complète impasse politique.

Reprenons. Depuis 2015 et la crise de la zone euro, la BCE achète une partie des dettes des Etats membres. C’est une façon de réduire les taux d’intérêt et donc de soutenir l’économie. Avec la pandémie de Covid-19, ce programme d’achat de dettes a pris d’énormes proportions. En 2020, la BCE a dépensé plus de 1 000 milliards d’euros de cette façon. Elle possède désormais le quart de la dette des Etats de la zone euro. Autrement dit, les Etats doivent de l’argent à leur propre Banque centrale. La main gauche doit rembourser la main droite. Annuler tout cela d’un simple trait de plume paraît tentant. Personne ne serait lésé et aucun investisseur privé n’y perdrait.

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