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Aide au développement en Afrique : la nouvelle doctrine française

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Un budget en hausse, un recentrage sur les pays d’Afrique subsaharienne, une priorité accordée aux dons plutôt qu’aux prêts, la France veut réformer son aide au développement. L’Assemblée nationale a adopté, mardi, en première lecture, un projet de loi dans ce sens. Avec cette nouvelle doctrine, Paris compte se distinguer du modèle chinois et regagner en influence sur le continent.

C’est une promesse vieille de plus d’un demi-siècle. En 1970, les pays de l’ONU s’engageaient à consacrer 0,7 % de leur revenu national brut à l’aide au développement (APD). Cinquante ans plus tard, la France n’a toujours pas tenu parole, mais les choses pourraient bientôt changer sous la pression des députés.

 

L’Assemblée nationale a en effet voté, mardi 2 mars, un texte visant à porter l’aide publique au développement à 0,55 % du revenu national brut à la fin du quinquennat en 2022. Les députés ont aussi inscrit dans la loi que la France « s’efforcera » en « 2025 » de consacrer « 0,7 % de son revenu national brut » à l’APD.

“L’inscription dans la loi de cet objectif des 0,7 % est un pas en avant extrêmement important, explique à France 24 Louis-Nicolas Jandeaux. Cependant, cet objectif aurait mérité une rédaction plus claire et s’accompagner d’une trajectoire détaillée”, nuance le porte-parole d’Oxfam France et de coordination SUD, une organisation qui regroupe 170 ONG de solidarité internationale.

Si la France respectait cette trajectoire, elle irait au-delà des engagements des États membres de l’UE, qui visent l’échéance de 2030, même si certains pays comme le Luxembourg ou les pays scandinaves – les meilleurs élèves de l’APD – dépassent déjà l’objectif.

 “Emmanuel Macron a régulièrement plaidé pour un monde plus solidaire. Le président de la République s’est notamment exprimé en faveur de l’annulation des dettes des pays africains. En tant que leader sur ces questions de multilatéralisme, la France se doit d’être au rendez-vous”, ajoute Louis Nicolas Jandeaux. La solidarité internationale n’a jamais été aussi nécessaire qu’actuellement. On voit bien que les grands enjeux sont tous interconnectés. La pandémie de Covid-19 en est la preuve flagrante”. 

 Nouvelles priorités

Selon les ONG, cette nouvelle ambition française est d’autant plus importante que d’autres pays, jusqu’ici en pointe dans le domaine, se désengagent. C’est le cas du Royaume-Uni, qui va réduire son aide en 2021, en raison de l’impact financier de la crise sanitaire.

De son côté, l’APD française a atteint 10,9 milliards d’euros en 2019, 12,8 milliards en 2020 et poursuivra sa hausse cette année.

Au-delà de l’augmentation de son budget, la France veut donner une nouvelle orientation à son aide. Les crédits vont ainsi être recentrés sur les pays d’Afrique subsaharienne et Haïti. Le projet de loi définit clairement les nouvelles priorité :  lutte contre la pauvreté, santé, climat, éducation et égalité femmes/hommes.

Pour gagner en efficacité, deux branches essentielles de la politique de développement vont également être réunies. Ainsi Expertise France, l’agence de coopération technique, dont 60 % de l’activité se concentre en Afrique, va intégrer l’Agence Française de développement. D’un côté, l’AFD réalise des prêts ou génère des enveloppes de dons, de l’autre France Expertise mobilise des spécialistes sur des projets liés à la santé ou encore au développement durable.

“C’est un modèle très original, proche de ce que font les Japonais par exemple », analyse Jérémie Pellet joint par France 24. Cela répond à la nécessité de concilier les moyens humains et financiers. Cela sert surtout à mieux répondre et plus directement aux besoins des pays avec lesquels on travaille”, se réjouit le directeur d’Expertise France.

Autre nouveauté, les députés veulent un mécanisme pour « restituer » aux « populations », sous forme de projets de développement, les avoirs confisqués par la justice française dans les affaires dites de « biens mal acquis » de dirigeants étrangers.

“Le sujet est tellement moralement connoté qu’il est presque impossible d’être contre, réagit auprès de France 24 Magali Chelpi-den Hamer, chercheuse à l’Iris, responsable du programme Humanitaire et Développement. Cependant, je pense que le volume concerné va rester faible, je ne suis donc pas sûre qu’il faille penser à un mécanisme pesant administrativement”.

« Guerres de modèle et d’influence »

Avec cette réforme de l’AFD, la France entend redonner à l’aide au développement un rôle central dans sa politique étrangère et redorer son image en Afrique.

Pour cela, la nouvelle doctrine consiste à privilégier les dons plutôt que les prêts. L’objectif affiché est de se distinguer de la Chine, régulièrement accusée par les Occidentaux de financer de grands projets d’infrastructures par des prêts qui fragilisent des pays déjà lourdement endettés.

Cependant, la France est pour le moment loin d’être exemplaire sur le sujet. Selon Oxfam, 50 % de l’aide française brute bilatérale s’est effectuée sous forme de prêts en 2018. Dans un rapport de la même année, l’OCDE invitait la France à “accroître la part des dons par rapport aux prêts, conformément à l’ambition affichée de soutenir les pays fragiles et les moins avancés”. 

“Les pays occidentaux utilisent aussi le levier de la dette pour gagner en influence dans les pays africains, mais à la différence de ce que fait la Chine, la forte idéologie derrière est d’éviter des pratiques de surendettement”, précise Magali Chelpi-den Hamer, qui rappelle également qu’une grande partie des flux financiers entre la Chine et les pays africains échappent à tout contrôle. En juin 2019, une étude sur les prêts de la Chine à l’étranger assurait que 50 % des prêts chinois aux pays en développement ne sont pas déclarés au Fonds monétaire international ou à la Banque mondiale.

Interrogé sur France Inter à la mi-février, Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères, l’assumait sans détour : « On est entrés dans des guerres de modèle et d’influence » avec la Chine. 

Après son examen à l’Assemblée nationale, ce projet de loi dit de “programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales” sera présenté au Sénat et devrait être son adopté cet été.

 

 

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