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En Birmanie, l’espoir broyé par l’armée

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Editorial du « Monde ». Un mois après le coup d’Etat militaire qui a renversé le gouvernement légitime mené par Aung San Suu Kyi, la junte birmane semble décidée à mettre fin par une répression brutale au vaste mouvement de résistance populaire qui s’est emparé du pays. Dimanche 28 février, les forces de l’ordre ont ouvert le feu sur les manifestants, de manière coordonnée, dans plusieurs villes du pays. Le bilan est lourd : au moins dix-huit morts, selon l’ONU, plus d’une vingtaine selon d’autres sources crédibles, des centaines de blessés et d’arrestations.

La Birmanie a ainsi renoué avec un cycle morbide d’espérances démocratiques broyées par l’armée, qui a déjà écrasé dans le sang le puissant mouvement de 1988, mené par les étudiants, puis celui de 2007, lancé par les moines bouddhistes. A la tête du mouvement démocratique, Aung San Suu Kyi est de nouveau enfermée, cette fois en résidence surveillée à Naypyidaw, la capitale administrative. Elle a brièvement comparu lundi 1er mars devant un tribunal pour des chefs d’accusation fantaisistes ; tout laisse à penser que cette procédure va s’éterniser.

La population et ses représentants démocratiques, largement victorieux aux élections législatives de novembre 2020, paraissent cependant déterminés. A la différence des précédentes révoltes, ils continuent à communiquer abondamment avec l’extérieur : l’armée, qui a aussi besoin de l’Internet, n’est pas parvenue à faire taire les réseaux sociaux. L’Asie et le monde restent informés, à l’aide d’images souvent dramatiques, sur la situation en Birmanie.

Les élus du parti d’Aung San Suu Kyi, la Ligne nationale pour la démocratie, du moins ceux qui n’ont pas été arrêtés, se sont organisés en « comités représentant le Parlement » afin de maintenir le lien avec la communauté internationale ; la junte les juge suffisamment dangereux pour interdire aux ambassades étrangères tout contact avec ces « entités illégales ».

Elle a par ailleurs accusé de « trahison » et démis de ses fonctions l’ambassadeur de Birmanie à l’ONU, Kyaw Moe Tun, qui, la voix serrée par l’émotion, a dénoncé samedi le coup d’Etat devant l’Assemblée générale des Nations unies et a demandé à ses pairs de ne pas reconnaître ses auteurs.

Chute de l’activité économique

Les pays démocratiques se retrouvent donc eux aussi dans une situation tristement familière à propos de la Birmanie : comment faire pression sur les dirigeants de cette toute-puissante armée ? Quelles sanctions choisir pour affaiblir la junte sans que la population n’en paie le prix, tout en évitant de laisser le champ libre à la Chine ? L’administration Biden, qui a fait des « valeurs » et des droits de l’homme l’un des axes de sa diplomatie, se trouve là mise à l’épreuve. L’Union européenne travaille sur des « mesures ciblées » susceptibles de frapper les intérêts des militaires, qui contrôlent des pans entiers de l’économie birmane.

Il faut affiner ces dispositifs, et les coordonner, le cas échéant, avec les entreprises privées occidentales engagées en Birmanie, si elles sont partenaires d’entreprises militaires. Certaines sociétés, comme la compagnie d’énergie australienne Woodside, ont annoncé leur retrait du pays. La junte observe certainement avec inquiétude la chute de l’activité économique en Birmanie en février, en raison du mouvement massif de protestation. Enfin, il incombe aussi à l’Association des pays d’Asie du Sud-Est, l’Asean, dont la Birmanie est membre, de trouver le courage d’affronter cette situation déstabilisatrice dans son propre environnement.

Le Monde

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