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Le vaccin contre le Covid-19 développé par Johnson & Johnson, qui a été autorisé samedi aux États-Unis, est le premier à ne nécessiter qu’une seule injection. Est-il pour autant moins efficace ? Pas forcément.
Les États-Unis ont autorisé, samedi 27 février, le premier vaccin anti-Covid qui ne nécessite qu’une seule injection. Il a été mis au point par le laboratoire pharmaceutique américain Johnson & Johnson (J&J), qui a promis de livrer 100 millions de doses avant l’été.
Cette spécificité du nouveau venu dans le paysage vaccinal peut étonner. En effet, depuis le début des efforts pour développer des vaccins, les autorités et une large partie de la communauté scientifique ont répété que deux doses valent mieux qu’une. « La première injection permet de susciter la réponse immunitaire adéquate et la deuxième est censée permettre au vaccin de protéger plus longtemps », résume Michael Head, épidémiologiste et spécialiste des maladies infectieuses tropicales à l’université de Southampton, contacté par France 24.
Proche du vaccin d’Oxford/AstraZeneca
Il y avait certes « déjà eu des discussions pour savoir si une dose des vaccins de Moderna ou Pfizer pouvaient suffire », rappelle la chaîne d’information américaine CNN. Et, « à l’origine, Oxford avait commencé à travailler sur son vaccin avec l’espoir qu’une seule injection ferait l’affaire », souligne Alexandre Edwards, immunologue à l’université de Reading, contacté par France 24.
Mais la Food and Drug Administration (FDA, l’autorité américaine du médicament) et des experts de premier plan comme Anthony Fauci, le « Monsieur Covid-19 » de l’administration américaine, « ont opté pour deux doses, car ils craignaient que la population ne soit que partiellement protégée », précise CNN.
J&J aurait-il développé une molécule miracle ? Pas du tout. Son vaccin « est très proche, dans le principe, de celui d’Oxford/AstraZeneca », note Kevin Marsh, épidémiologiste à l’université d’Oxford, contacté par France 24. Il prend un autre virus inoffensif pour l’homme – un adénovirus – qu’il mélange à un bout du Sars-CoV-2, et le résultat est ensuite injecté au patient pour pousser le corps à développer une réponse efficace au Covid-19.
Jonhson & Jonhson a « peut-être réussi à apporter des modifications à la formule pour que son vaccin produise une réaction immunitaire plus forte, mais les résultats publiés ne permettent pas de la dire avec certitude », note Alexandre Edwards.
Pour lui, l’explication la plus probable est que le laboratoire américain capitalise sur l’expérience accumulée depuis le développement des premiers vaccins. « À l’époque, on ne savait pas si le type de vaccin mis au point par Oxford pouvait fonctionner contre le Covid-19, et les laboratoires ont donc multiplié les précautions pour mettre toutes les chances de leurs côtés », estime Alexandre Edwards.
Maintenant que le concept a fait ses preuves, « J&J a pu se dire que c’était une bonne stratégie de proposer une alternative à une seule dose », explique le chercheur de l’université de Reading. « Il y a une part de marketing » car cela permet de différencier ce vaccin des autres, ajoute Kevin Marsh.
Vacciner plus pour moins cher ?
Une spécificité qui convient bien aussi aux priorités vaccinales du moment. À l’heure où tous les gouvernements veulent aller vite pour satisfaire des opinions publiques qui se plaignent que les campagnes de vaccination traînent en longueur, la solution de J&J peut sembler particulièrement alléchante. Avec un même nombre de doses, il est non seulement possible de vacciner deux fois plus de personnes, mais aussi de le faire sans interruption. En effet, « lorsqu’il faut faire deux injections, il y a forcément un moment donné où on doit arrêter d’en administrer à des nouveaux patients car il faut garder les réserves pour la deuxième dose », explique Michael Head, de l’université de Southampton.
C’est également une arme efficace pour lutter contre l’abstention au second tour des campagnes de vaccination. « C’est un problème récurrent, et dans certains cas on a pu constater une participation qui passe de plus de 90 % lors de la première injection à 70 % pour l’administration de la seconde dose », souligne Michael Head.
Cette déperdition peut être due à une mauvaise information de la population ou à la difficulté d’aller se faire vacciner, comme dans les États à faibles revenus où les infrastructures sanitaires sont peu développées. Un vaccin comme celui de J&J peut permettre de rendre les campagnes de vaccination moins onéreuses « car il ne faut mobiliser des ressources supplémentaires qu’une seule fois pour aller à la rencontre des populations les plus isolées », note l’épidémiologiste de l’université de Southampton.
Une moins grande efficacité en trompe l’œil
Tous ces avantages risquent, cependant, de ne pas peser lourd si ce nouveau vaccin n’est pas accepté par les populations. Et c’est ce que craignent les autorités américaines, souligne le New York Times. Sur le papier, son efficacité peut, en effet, sembler décevante. Elle s’élève à 66 %, alors que ses concurrents – comme Moderna ou AstraZeneca – font miroiter des taux de plus de 90 %.
Mais « il est très hasardeux de comparer l’efficacité de ce vaccin aux autres en se fondant uniquement sur ces chiffres », assure Alexandre Edwards. D’abord, la molécule mise au point par J&J obtient des résultats honorables comparé à l’efficacité de ses concurrents après une seule injection (entre 50 % et 80 % pour Pfizer, 64 % pour Oxford/AstraZeneca et 80 % pour Moderna).
Ensuite, J&J a mené ses tests alors que les désormais fameux variants avaient déjà fait leur apparition. Surtout qu’une partie des essais a eu lieu en Afrique du Sud, pays d’origine de l’une des mutations du Sars-CoV-2, où l’efficacité du vaccin n’a été « que » de 55 %.
Dans ce contexte, tous les experts interrogés par France 24 jugent que les résultats de J&J sont très satisfaisants. La seule interrogation qui subsiste à leur yeux concerne la durée de la protection procurée par cette molécule. « Il faudra peut-être effectuer des rappels plus fréquents que pour les vaccins des autres laboratoires », note Alexandre Edwards. Mais, pour lui, c’est peut-être même mieux ainsi « si des variants qui obligent à mettre à jour les vaccins apparaissent régulièrement ».
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