Alors que Joe Biden a affiché sa volonté de réintégrer l’accord sur le nucléaire iranien, sa première opération militaire ordonnée en tant que président a visé, jeudi, des milices pro-iraniennes dans l’est de la Syrie. Il s’agit d’une réponse aux récentes attaques contre les intérêts américains en Irak, et surtout d’un signal fort envoyé à Téhéran.
Le président américain Joe Biden a donné son feu vert, jeudi 25 février, à des frappes aériennes contre des installations appartenant, selon le Pentagone, à des milices soutenues par l’Iran, dans l’est de la Syrie. Une première dans ce pays, ordonnée en réponse à de récentes attaques à la roquette contre des intérêts américains en Irak.
L’administration Biden a particulièrement soigné sa communication sur cette opération militaire, la première depuis l’entrée à la Maison Blanche du nouveau président, le Pentagone ayant largement insisté sur son caractère défensif et proportionné.
Signe de la prudence de Washington, un représentant officiel américain, s’exprimant sous le sceau de l’anonymat, a expliqué à l’agence Reuters que ces frappes calibrées ont été décidées pour punir les milices sans pour autant provoquer une escalade de la situation militaire.
Plusieurs options ont été présentées à Joe Biden, qui a choisi la moins susceptible d’enflammer la situation, a-t-il même précisé.
Téhéran et Washington restent concentrés sur l’essentiel
Outre sa justification défensive, cette opération ressemble surtout à un message de fermeté adressé à l’Iran, qui a pour coutume de « tester » chaque nouvelle administration américaine.
« Les experts s’accordent à voir dans cette opération un message de Joe Biden, qui fait ainsi savoir aux Iraniens qu’il est le nouveau président des États-Unis, qu’il n’est certes pas Donald Trump, mais qu’il est disposé à répliquer aux attaques contre les intérêts américains et à en faire porter la responsabilité à l’Iran », explique Reza Sayah, correspondant de France 24 en Iran.
Reste à savoir s’il y aura une réaction de la part des milices visées par Washington en Syrie. Le rapport de force n’est pas en leur faveur, car une escalade pourrait impacter les démarches actuelles de l’administration américaine visant à relancer le dossier de l’accord sur le nucléaire iranien.
Jusqu’ici, l’Iran n’a pas réagi à l’opération. Mais les États-Unis lui ont fait savoir, ainsi qu’aux alliés des Américains dans la région, que malgré leur volonté de relancer l’accord de 2015 – censé empêcher les Iraniens de se doter de la bombe atomique et qui a été abandonné par Donald Trump en 2018 –, ils ne laisseront pas sans réponse des attaques contre leurs intérêts.
« Les enjeux sont trop importants, à la fois pour la République islamique et pour les États-Unis, pour que la situation ne dérape au point de plomber le dossier prioritaire qu’est l’accord de 2015, tempère Reza Sayah. Ces dernières semaines, il y a eu de nombreux signes positifs autour de ce dossier, et il est peu probable que ces frictions régionales ne détournent Téhéran et Washington de l’essentiel ».
En effet, cette opération menée en Syrie intervient dans un contexte de recalibrage de la diplomatie américaine au Moyen-Orient après les années Trump, et dont l’un des axes est la volonté affichée de réintégrer l’accord de Vienne.
Si la défaite de Donald Trump, adepte d’une ligne dure pour faire plier la République islamique, a été accueillie avec soulagement du côté de Téhéran, l’heure n’est pas encore à la détente avec l’administration Biden. Et ce, malgré quelques gestes de la diplomatie américaine sur la scène régionale avec la fin du soutien à la guerre au Yémen et une « marginalisation » du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.
Les États-Unis ont aussi eu des gestes directs en faveur de Téhéran. Washington a notamment annulé, le 18 février, une proclamation unilatérale effectuée en septembre 2020 par l’administration Trump sur un retour de sanctions internationales contre l’Iran. Des initiatives insuffisantes aux yeux du pouvoir iranien, qui ne pardonne pas à Washington l’assassinat de l’influent général Qassem Soleimani ordonné par Donald Trump, et qui, depuis 2018, s’est progressivement affranchi de limites – acceptées auparavant – sur son programme nucléaire.
Bras de fer
Alors que, côté américain, on exige que les Iraniens reviennent au plein respect de leurs engagements prévus en 2015, Téhéran fait monter les enchères et attend des gages de Washington. Il demande notamment que les États-Unis « lèvent sans condition toutes les sanctions imposées, réimposées ou rebaptisées par Trump », selon les propres termes du ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif.
« Il y a une rupture sur la forme et dans les mots sous Biden, avec une politique de la main tendue vers les Iraniens, mais le nouveau président n’est pas encore revenu sur les décisions de Donald Trump, puisque les fortes sanctions infligées par le milliardaire républicain à l’Iran, qui étranglent l’économie du pays, sont toujours en place », note Antoine Mariotti, journaliste spécialiste du Moyen-Orient à France 24.
Jusqu’ici, les États-Unis et l’Iran restent campés sur leurs positions et englués dans un bras de fer à celui qui va céder en premier. « Et ce, alors que les deux parties ont intérêt à pouvoir avancer sur ce dossier », ajoute Antoine Mariotti.
Récemment interrogé sur l’antenne de France 24, l’ambassadeur d’Iran à l’ONU, Majid Takht-Ravanchi, a affirmé que c’est à Washington, qui s’est retiré de l’accord, « de faire le premier pas » et de « restaurer la confiance des Iraniens ».
Or le temps presse pour Joe Biden, car à l’issue de la présidentielle prévue en juin en Iran, un président conservateur pourrait succéder à Hassan Rohani, et serait peut-être moins enclin à négocier avec Washington.
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