Comme si le temps était resté suspendu pendant un an, les mêmes visages, les mêmes drapeaux et les mêmes chants ont réinvesti la rue. Vendredi 26 février, des milliers de partisans du Hirak manifestaient à Alger, marquant la reprise des marches hebdomadaires de ce mouvement de protestation antirégime, deux ans après la première marche algéroise et après un an d’arrêt des manifestations à cause de la pandémie de Covid-19. « Ni islamiste ni laïc, mais hirakiste », pouvait-on lire sur une affiche brandie par la foule qui scandait « Un Etat civil et pas militaire ! », slogan-phare de la contestation.
Malgré l’interdiction des rassemblements pour des raisons sanitaires, plusieurs cortèges se sont formés en début d’après-midi dans des quartiers populaires, notamment à Bab El Oued, pour rejoindre le centre de la capitale.
Matraques et gaz lacrymogènes
Des camions de la police ont pris position à proximité des principales places du centre-ville et des barrages filtrants ont été installés sur plusieurs axes routiers menant à la capitale. Les forces de l’ordre ont utilisé matraques et gaz lacrymogènes sur une grande artère de la capitale quand des manifestants ont forcé un barrage de police pour rejoindre la Grande Poste, lieu emblématique des rassemblement des manifestants antirégime, selon une vidéo publiée sur le site Interlignes.
A Alger, les manifestants semblaient au moins aussi nombreux que lundi quand des milliers de personnes avaient défilé à l’occasion du deuxième anniversaire du Hirak, selon des témoins. Des rassemblements étaient également en cours en province, notamment à Bejaïa, en Kabylie (nord-est), et à Oran (nord-ouest), où un pilier des droits de l’homme, l’universitaire Kadour Chouicha, a été interpellé, selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD). Le vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), Saïd Salhi, a fait état, sur sa page Facebook, de près de 600 personnes interpellées dans une vingtaine de wilayas (préfectures), dont la plupart ont été relâchées en fin de journée.
Inquiétudes de la communauté internationale
Amnesty International a dénoncé cette semaine « une stratégie délibérée des autorités algériennes visant à écraser la dissidence ». « Une stratégie qui vient contredire leurs promesses en matière de respect des droits humains », selon Amna Guellali, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
Vendredi, à Genève, la haute-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a invité le gouvernement algérien à continuer sur la voie du dialogue et à « immédiatement libérer tous ceux [qui sont] détenus pour avoir participé pacifiquement à des manifestations ». Mme Bachelet, qui s’exprimait devant le Conseil des droits de l’homme (CDH) à l’occasion de la présentation de son rapport annuel, a salué la récente décision du président Abdelmadjid Tebboune d’appeler à des élections législatives anticipées et de gracier quelques dizaines de détenus d’opinion.
M. Tebboune a ainsi tenté de reprendre la main, après une longue hospitalisation à l’étranger, et d’apaiser la crise politique, sociale et économique qui ébranle le plus grand pays du Maghreb. « Vous avez attisé dans nos cœurs une révolution qui ne peut s’éteindre qu’avec votre départ », lui a répondu vendredi un groupe de manifestantes.
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