Tribune. Alors que la sortie de la crise sanitaire n’est pas en vue, la petite musique de l’austérité commence à se faire entendre. L’Etat s’est porté au chevet d’une économie entravée par les restrictions sanitaires, mais, selon certains, il faudrait déjà rembourser la dette nouvellement contractée par des coupes dans les retraites et les services publics, ainsi que par des hausses d’impôts pour le plus grand nombre.
Rien ne serait plus mortifère. La dégradation de la situation sociale, la reconstruction de nos services publics et la nécessité urgente d’une bifurcation écologique exigent que soit lancé sans attendre un grand plan d’investissement public. Plus généralement, l’Etat doit se doter de la capacité de répondre aux besoins sociaux, écologiques et sanitaires, et cela demande des moyens.
Illusion technique
Dans cette situation, certains de nos collègues, avec qui nous partageons par ailleurs beaucoup, proposent la solution suivante : il suffirait que la Banque centrale européenne (BCE) annule les titres de dette publique qu’elle détient. Selon eux, cela permettrait de recouvrer des marges de manœuvre budgétaire, et ce, sans léser personne.
Même si cette contribution a permis d’alimenter le débat, nous ne partageons pas leur analyse.
Cette proposition revient à fétichiser le ratio dette/produit intérieur brut (PIB) alors que la signature française n’est pas menacée. Elle vide même le message d’une annulation de sa force subversive. Elle ne donne aucune marge de manœuvre nouvelle, bien au contraire. Derrière l’illusion technique, sa radicalité n’est que de façade : on n’annule pas les rapports de force d’un trait comptable. Pourquoi donc perdre du capital politique sur une telle proposition, qui détourne des enjeux de la période ?
Le terme « annulation par la BCE » frappe les imaginaires mais ne correspond pas à la réalité. Cette dette n’est pas détenue directement par la BCE, mais par les banques centrales nationales (à travers l’Eurosystème). Cela signifierait, par exemple, que la Banque de France renoncerait à sa créance sur l’Etat français. Or, le capital de la Banque de France est détenu à 100 % par l’Etat : il s’agirait donc d’annuler une dette… que nous avons envers nous-mêmes. Comment croire qu’une telle opération puisse avoir un impact réel, positif et durable sur les finances publiques ?
Pas de seuil critique
L’Etat, dont la durée de vie est illimitée, fait « rouler sa dette » : il réemprunte afin de rembourser les titres arrivant à échéance. La question centrale est donc celle du refinancement, c’est-à-dire les conditions des nouveaux emprunts, et en particulier des taux d’intérêt qui peuvent varier pour des raisons institutionnelles, économiques et politiques. Or, les taux sur la dette souveraine française sont négatifs pour les durées d’emprunt en dessous de vingt ans, et proches de zéro au-delà.
Il vous reste 62.12% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
L’article « D’autres solutions que l’annulation de la dette existent pour garantir un financement stable et pérenne » est apparu en premier sur zimo news.