Publié le : 26/02/2021 – 18:16
Le ministre sud-africain de la Culture a annoncé, mercredi, le changement de nom de la ville de Port Elizabeth qui devient Gqeberha, un nom xhosa, la langue du peuple du même nom. Les autorités veulent ainsi prendre leurs distances avec l’héritage colonial, mais la mesure suscite une certaine défiance d’une partie de la société sud-africaine.
Bienvenue à Gqeberha : si ce nom peut vous sembler imprononçable, rassurez-vous, il l’est aussi pour de nombreux Sud-Africains. Après deux ans d’âpres négociations, le ministre de la Culture, Nathi Mthethwa, a officialisé, mercredi 24 février, le changement de nom de Port Elizabeth ainsi que de l’aéroport et d’une dizaine d’autres villes du pays.
« Ce changement de nom fait partie d’un programme gouvernemental destiné à transformer des éléments visibles de notre héritage culturel. Les noms de lieux doivent refléter l’identité et l’héritage du peuple sud-africain », a expliqué Nathi Mthethwa.
La ville de 300 000 habitants porte désormais un nom xhosa, l’une des onze langues officielles de l’Afrique du Sud, parlée par huit millions d’habitants. Parmi les personnalités célèbres d’origine xhosa, on peut citer Nelson Mandela, l’archevêque Desmond Tutu ou encore la chanteuse Miriam Makeba.
« Ce pays a besoin de construire une histoire qui cesse de glorifier un passé d’oppression. Il faut changer autant de noms que possible pour que la majorité noire se sente enfin incluse », se réjouit une habitante interrogée par CNN.
Réticences au changement
Mais cette nouvelle appellation est loin de faire l’unanimité. Une pétition qui s’oppose au changement de nom a recueilli plus de 32 000 signatures. Certains habitants pointent du doigt la difficulté de prononciation de la langue xhosa, qui a la particularité d’ajouter aux sons linguistiques traditionnels des claquements de bouche, de langue et de palais, appelés « clic ».
Sur les réseaux sociaux, le nouveau défi consiste à se filmer en train de tenter de prononcer « Gqeberha » tandis que des tutoriels enseignent aux internautes les subtilités du xhosa.
Les arguments contre le changement sont également économiques. Car modifier les panneaux, les cartes… coûte cher. Dans cette région du Cap-Oriental, l’une des plus pauvres d’Afrique du Sud, certains estiment que l’argent pourrait être mis ailleurs.
Michael Cardo, un député d’opposition, ironise sur Tweeter : « La région a un taux de chômage de près de 10 points supérieur à la moyenne nationale, mais au moins, on a des nouveaux noms. Hashtag progrès ».
The Eastern Cape has the highest unemployment rate in the country, according to today’s Quarterly Labour Force Survey (52.4% on the expanded definition, almost 10 percentage points more than the national rate). But, hey, its towns and airports have a new bunch of names. #Progress https://t.co/qf6I6REe1b
— Michael Cardo (@michaelcardo) February 23, 2021
D’autres s’inquiètent pour l’attractivité de la ville et craignent que ce nom, difficilement prononçable de prime abord, plombe encore un peu un peu plus le tourisme dans la région.
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Décoloniser les mémoires
Depuis la fin de l’apartheid et l’élection de Nelson Mandela, en 1994, de nombreuses provinces, rues et villes ont été renommées avec pour objectif de placer les communautés noires au cœur de l’histoire du pays. Cependant, certains Afrikaners craignent que ces mesures, recommandées à l’époque par la Commission vérité et réconciliation, fassent disparaître une partie de leur identité.
Le changement de nom de Port Elizabeth s’inscrit dans ce processus de décolonisation des mémoires et de l’espace public. Fondée en 1820 pendant la colonisation britannique, la ville avait été baptisée en hommage à la défunte épouse du gouverneur de l’époque, Rufane Donkin, qui s’appelait Elizabeth.
Quant à l’aéroport de la ville, son nom a été changé pour devenir le « Chief Dawis Stuurman international Airport », du nom d’un activiste du XIXe siècle qui a combattu les administrations néerlandaise et britannique.
Le gouvernement a assuré que d’autres villes majeures pourraient bientôt suivre cet exemple comme Cape Town, Durban, Brandfort ou encore East London.
Jusqu’à présent, ces changements de nom concernaient des métropoles urbaines. C’est ainsi que Pretoria, la capitale, tout en conservant son nom d’origine, appartient depuis une dizaine d’années à la métropole de Tshwane.
En 2017, un débat avait également agité l’opinion publique pour en finir avec l’appellation « Afrique du Sud », héritée des colons anglais. Selon Nathi Mthethwa, également ministre de la Culture à l’époque, le pays aurait dû changer de nom après son indépendance en 1961, comme l’ont fait de nombreux pays africains. Plus récemment, en 2018, pour les 50 ans de son indépendance, le Swaziland a été rebaptisé Eswatini, son nom de l’époque précoloniale.
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