« Quitter Psagot » (Psagot : sipour aziva), de Yonatan Berg, traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz, L’Antilope, 254 p., 22 €, numérique 16 €.
Adolescent, Yonatan Berg allait souvent marcher dans les ruines de l’antique cité biblique d’Aï, face au désert de Judée et à la mer Morte. Il allait « s’abandonner au silence », écrit-il dans Quitter Psagot. « J’y avais construit un monde qui tournait le dos à l’implantation et à son arrogante rigidité, aux incessants discours religieux et idéologiques… » L’implantation, c’est Psagot, fondée en 1981 sur les terres du village arabe d’Al-Bireh, en Cisjordanie, par des juifs aux pratiques religieuses très orthodoxes. L’écrivain israélien a 4 ans quand ses parents décident aussitôt de s’y installer.
Grandir à Psagot, sur le promontoire surplombant Ramallah, la capitale administrative de l’Autorité palestinienne, dans cette colonie flanquée d’une base militaire et encerclée d’une clôture qui la sépare d’Al-Bireh, c’est vivre comme coupé du monde extérieur, dans une forme d’isolement à la fois protecteur et étouffant. Ainsi, l’enfant de Psagot sera-t-il bientôt à l’affût de tout ce qui peut élargir son horizon : les soldats de la base militaire qui lui parlent de Tel-Aviv, l’intrigante capitale, à 40 kilomètres à vol d’oiseau, et surtout le voisinage des Palestiniens d’AlBireh. Sans compter les livres de la bibliothèque et les grands textes rabbiniques dont le souffle philosophique et poétique sera déterminant dans son attirance pour la littérature. Sans compter non plus ses rêveries dans l’antique cité d’Aï. « J’ai commencé là ma vie d’errance et de voyages, celle qui, finalement, m’a donné mon ticket de sortie. »
Sentiment d’exil
Yonatan Berg a quitté Psagot après son service militaire. Trois ans de voyages en Amérique latine et en Inde, une sorte de fuite en avant, au cours desquels, les drogues dures aidant, il espérait consommer son divorce avec le lieu de son enfance et renaître à une autre réalité. Mais il n’en a rien été. De retour au pays, établi à Tel-Aviv, le sentiment d’exil et de constant décalage a perduré. Alors il s’est mis à écrire. « Pourquoi n’ai-je pas tranché net ? », se demande-t-il dans ces pages. « J’en appelle à ma mémoire intime. Pour clarifier ce qui s’est passé ou non et, peut-être, en écrivant, trouver la voie qui me mènera du passé au présent, du gamin refusant de signer l’arrêt de mort de son enfance à l’adulte mal à l’aise sur ce terrain-là justement. »
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