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La baleine franche, l’autre géant des mers en danger

Dans l’ombre de sa célèbre cousine la baleine à bosse, la baleine franche mérite tout autant d’être connue. D’autant que cette autre géante des océans – classée « en danger critique d’extinction » par l’UICN – souffre des mêmes menaces d’origines humaines : collision avec les navires marchands et empêtrement dans les filets de pêche. A l’occasion de la Journée Mondiale de la Baleine, 30millionsdamis.fr plonge à la rencontre de cet animal menacé.

Envergure : 13 à 17 mètres. Poids : entre 50 et 70 tonnes. Ce gabarit impressionnant n’est autre que celui d’un mammifère méconnu, la baleine franche de l’Atlantique Nord (Eubalaena glacialis). Au contraire de la baleine à bosse qui appartient en vérité à la famille des rorquals, la baleine franche peut se targuer d’être une « vraie » baleine, se distinguant de sa cousine bossue par l’absence de plis (ou sillons) au niveau du ventre. Car si les rorquals utilisent leur poche ventrale extensible pour engouffrer de grands volumes d’eau, les baleines franches, elles, disposent de plus longs fanons, ces membranes filtrantes au niveau de leur mâchoire supérieure qui leur permettent de piéger en continu les minuscules organismes dont elles se nourrissent. Une autre différence notable se situe dans leurs chants respectifs : si ceux des rorquals à bosse sont étudiés depuis déjà un demi-siècle par les scientifiques, la baleine franche se montre plus discrète dans ses vocalisations. Encore plus « timide » serait la baleine franche du Pacifique, une espèce très proche, dont les chants n’ont été identifiés pour la première fois qu’en 2017, selon une étude publiée deux ans plus tard.

Autrefois présente dans toute la partie nord de l’océan Atlantique, y compris le long des côtes européennes – en témoigne son autre nom de « baleine de Biscaye », de la baie située entre la France et l’Espagne où l’animal était chassé par les Basques dès le 11e siècle – la baleine franche de l’Atlantique Nord est désormais uniquement observée au large du continent nord-américain. Du moins, elle l’était… jusqu’à aujourd’hui.

Autour des îles Canaries, une découverte surprenante

« Quand j’ai réalisé ce que c’était, j’en ai eu la chair de poule, se souvient Natacha Aguilar, biologiste marine à l’Université La Laguna de Ténérife, citée par le Guardian. C’est une espèce qui était considérée comme éteinte de ce côté de l’Atlantique depuis environ 100 ans. Et tout à coup ce nouveau-né apparaît à El Hierro [dans les îles Canaries, NDLR]. » La découverte a eu lieu en décembre 2020, lorsque des plongeurs à bord d’un bateau ont remarqué la présence d’un baleineau de quatre mètres de long nageant à proximité. Il aura suffi de quelques heures pour que des chercheurs analysent la vidéo de 47 secondes immortalisant cette incroyable rencontre, et pour que le verdict tombe : il s’agissait d’une baleine franche ! Si quelques adultes de cette espèce avaient certes déjà été repérés de façon occasionnelle en Atlantique Est, probablement après un long voyage depuis le littoral américain, aucun individu aussi jeune n’avait été rencontré jusqu’à lors.

« Cela pourrait suggérer que l’espèce serait en train de re-coloniser l’Atlantique nord du côté européen et africain », s’émerveille la biologiste marine espagnole interrogée par le Guardian. Si une population stable de baleines franches venait à s’établir dans cette zone, cela représenterait alors un formidable espoir pour l’espèce, classée « en danger critique d’extinction » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Fin 2018, il restait moins de 250 individus matures dans le monde, la population totale ayant diminué d’environ 15 % en 7 ans. « Ce déclin est dû à la combinaison d’une mortalité accrue due aux enchevêtrements dans les engins de pêche et aux collisions avec les navires et d’un taux de reproduction plus faible par rapport aux années précédentes », précise l’UICN.

Agir contre l’empêtrement des cétacés dans les filets de pêche

85 % des baleines franches se sont déjà retrouvées empêtrées dans des filets de pêche.
Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA)

Protégée depuis 1935, date marquant l’interdiction de la chasse commerciale de cette espèce, la baleine franche a d’abord montré des signes de rétablissement avant que cette tendance positive ne commence à s’inverser. En cause : les collisions avec les navires marchands – un fléau qui touche également d’autres espèces de cétacés comme la baleine bleue, comme le démontre l’animation réalisée par un biologiste chilien qui a modélisé le déplacement d’un individu parmi les bateaux – et l’empêtrement dans les filets de pêche. Des menaces auxquelles viennent désormais s’ajouter les changements climatiques ; le réchauffement des eaux poussant les individus à se nourrir dans des zones au trafic maritime dense. Selon l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA), depuis 2017, 47 baleines franches de l’Atlantique Nord ont été retrouvées mortes ou gravement blessées, principalement à cause des activités humaines. En moyenne, 85 % des baleines franches se sont déjà retrouvées empêtrées dans des filets de pêche au moins une fois dans leur vie.

Malgré ce triste constat, les défenseurs de l’environnement se basent sur le succès de conservation obtenu pour les charismatiques baleines à bosses – dont la situation s’est nettement améliorée grâce aux mesures de protection mises en œuvre, après un déclin de 90 % des effectifs – pour espérer sauver cette fois-ci les baleines franches. A ceci près que la population de rorquals bossus n’a jamais été – de toute son Histoire – à un niveau aussi bas que celle des « vraies » baleines. Pour assurer l’avenir de ces mammifères marins, encore faudrait-il que la protection des cétacés fasse partie des priorités d’action des gouvernements des pays concernés par leur présence effective ou par un potentiel retour… En France, le plan gouvernemental contre la capture des cétacés par les filets de pêche exclut pourtant la seule mesure susceptible de combattre efficacement ce fléau.

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