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En Russie, la baisse du niveau de vie nourrit la grogne politique

« Sarrasin, huile végétale, sucre, thé », énumère Svetlana Ardachéva, une bénévole de 57 ans, remplissant un paquet d’aide alimentaire pour les Moscovites se pressant dans le sous-sol du monastère qui accueille l’association Miloserdie.

Entre les sanctions occidentales et l’embargo imposé en retour par le Kremlin sur les importations de denrées alimentaires européennes, la pandémie, la chute du rouble et une économie depuis longtemps anémique, nombreux sont les Russes qui voient leur portefeuille maigrir.

Un motif de mécontentement croissant, alors que les partisans de l’opposant incarcéré Alexeï Navalny veulent mobiliser la rue à l’approche d’élections législatives en septembre.

« Avant la pandémie, nous recevions 30-40 personnes par jour, c’est désormais 50-60 personnes » qui viennent chercher des vivres, constate Elena Timochouk, employée de l’association, adossée à une table chargée de bouteilles d’huile de tournesol.

Beaucoup sont retraités, mais il y a également des personnes ayant perdu leur travail ou dont le salaire a été réduit, précise-t-elle.

« On ne peux plus rien acheter. Avant, je pouvais me permettre de nourrir les oiseaux mais maintenant même le gruau coûte cher. Je ne vais plus faire les courses. Ce que l’on me donne ici me suffit », explique Sandra, retraitée de 66 ans, coiffée d’une casquette rouge, le visage encadré de longues tresses grises, avant de repartir avec son sachet.

Une bénévole de l'association Miloserdie prépare des colis d'aide alimentaire dans les locaux d'un monastère, le 8 février 2021 à Moscou (AFP - Natalia KOLESNIKOVA)

Une bénévole de l’association Miloserdie prépare des colis d’aide alimentaire dans les locaux d’un monastère, le 8 février 2021 à Moscou (AFP – Natalia KOLESNIKOVA)

En cause, une baisse des revenus réels disponibles de 3,5% sur un an en 2020, comme depuis plusieurs années. Mais aussi une flambée des prix des produits alimentaires de base.

Le prix du sucre, par exemple, a bondi de 64% en janvier sur un an malgré les efforts des autorités pour maîtriser les prix.

– Elections en septembre –

Or « les Russes sont très sensibles à la hausse des prix, plus encore qu’à la chute des revenus », relève Igor Nikolaïev, directeur de l’Institut d’analyse stratégique de FBK Grant Thornton Russie: « Ca leur rappelle la folle inflation » du début des années 90.

Une bénévole de l'association Miloserdie prépare des sacs d'aide alimentaire dans les locaux d'un monastère, le 8 février 2021 à Moscou (AFP - Natalia KOLESNIKOVA)

Une bénévole de l’association Miloserdie prépare des sacs d’aide alimentaire dans les locaux d’un monastère, le 8 février 2021 à Moscou (AFP – Natalia KOLESNIKOVA)

A l’approche des législatives, l’enjeu politique est de taille, la popularité du parti au pouvoir Russie Unie étant au plus bas et celle de Vladimir Poutine s’étant doucement effritée, même si elle reste élevée.

« Les risques pour les autorités ont vraiment augmenté » estime l’économiste, certain que le gouvernement annoncera un vaste plan de soutien économique avant les élections: « Il doit faire quelque chose ».

Depuis que le pouvoir d’achat a commencé à baisser, en 2014 avec l’annexion de la Crimée ukrainienne, l’adoption de premières sanctions occidentales et celle d’un embargo en retour sur les importations alimentaires européennes, les revenus réels ont diminué de plus de 10%, relève-t-il.

« Dans le contexte d’une baisse générale du niveau de vie, d’une augmentation des problèmes économiques et d’une hausse de l’âge de la retraite, l’hostilité envers la bureaucratie et de plus en plus souvent envers le président s’est accrue », écrivait fin janvier dans Forbes-Russie le sociologue Denis Volkov, directeur adjoint du centre d’études indépendant Levada.

Des personnes attendent pour recevoir un colis d'aide alimentaire distribué par l'association Miloserdie dans les locaux d'un monastère, le 8 février 2021 à Moscou (AFP - Natalia KOLESNIKOVA)

Des personnes attendent pour recevoir un colis d’aide alimentaire distribué par l’association Miloserdie dans les locaux d’un monastère, le 8 février 2021 à Moscou (AFP – Natalia KOLESNIKOVA)

En janvier, la popularité du président était de 64%, quatre points de moins qu’un an plus tôt, selon cet institut.

Les manifestations du début d’année, qui ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes malgré la répression policière, n’étaient pas seulement motivées par les appels à la libération d’Alexeï Navalny, selon M. Volkov.

Les foules exprimaient « leur déception face aux autorités, leur inquiétude face au manque de perspectives et l’impasse dans laquelle, selon eux, se trouve notre pays », dit-il.

« Je vois la Russie stagner, incapable d’offrir une perspective de développement économique et politique », estime Ekaterina Nikiforova, étudiante en sciences politiques de 18 ans qui a manifesté à Vladivostok, en Extrême-Orient.

Idem pour Arseni Dmitriev, 22 ans, qui a terminé des études de sociologie et a protesté de l’autre côté du pays à Saint-Pétersbourg: « J’ai travaillé sur les chiffres et j’ai compris comment vont les choses dans le pays: on regarde les statistiques et on comprend que les revenus réels chutent ».

Le mécontentement économique semble être un point faible pour Vladimir Poutine, qui avait bâti sa popularité de président sur la hausse du niveau de vie au début des années 2000.

Des personnes attendent pour recevoir un colis d'aide alimentaire distribué par l'association Miloserdie dans les locaux d'un monastère, le 8 février 2021 à Moscou (AFP - Natalia KOLESNIKOVA)

Des personnes attendent pour recevoir un colis d’aide alimentaire distribué par l’association Miloserdie dans les locaux d’un monastère, le 8 février 2021 à Moscou (AFP – Natalia KOLESNIKOVA)

Et les partisans de M. Navalny comptent bien peser sur le scrutin législatif, prévoyant des nouveaux rassemblements au printemps et à l’été.

Selon un sondage de Levada, début février près de 43% des Russes s’attendaient à des manifestations motivées par des revendications économiques, un niveau atteint la dernière fois en 1998. Mais seuls 17% se disent pour l’instant prêts à participer.

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