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Plan gouvernemental contre la capture de dauphins par les filets de pêche : un coup d’épée dans l’eau ?!

Plusieurs milliers de dauphins périssent chaque année, pris au piège dans les filets de pêche de navires croisant le long des côtes atlantiques françaises. La ministre de la mer, Annick Girardin, a dévoilé un « plan de protection » constitué de 7 engagements pour lutter contre ce fléau. Des associations de protection des animaux marins dénoncent des mesures inefficaces, voire dangereuses. Les explications de 30millionsdamis.fr.

450. Depuis le 1er janvier 2021, ce sont déjà 450 cétacés qui se sont échoués sur la façade atlantique, dont 90 % de dauphins communs, selon l’observatoire Pélagis du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). « À date équivalente, le premier mois de 2021 représente des effectifs presque deux fois supérieurs à 2020« , précise l’observatoire, soulignant que parmi la centaine de cadavres examinés par leurs équipes sur le terrain, « la quasi-totalité présentait des traces de captures externes et ou internes« . Pendant l’hiver 2019-2020, 1.200 échouages avaient été relevés. Une hécatombe d’autant plus significative que 90 % des animaux pris au piège des filets sombrent directement au fond de l’océan avant d’atteindre le littoral, ce qui implique un nombre de décès jusqu’à 10 fois supérieur aux seuls échouages !

La ministre exclut toute interdiction temporaire de la pêche dans la zone

 

12.000 dauphins morts chaque année : à ce stade, c’est de la « capture systématique ».
Christine Grandjean, C’est Assez!

Sommée par la Commission européenne de lutter contre la capture de dauphins par les navires de pêche dans le Golfe de Gascogne, la France devait donc d’urgence adopter des mesures concrètes, conformément à la Directive européenne « Habitats » imposant la protection de ces mammifères marins. A l’occasion d’une réunion avec les présidents des Comités régionaux des pêches maritimes et des élevages marins, Annick Girardin, ministre de la Mer, a remis d’actualité son « plan de protection » constitué de 7 engagements censés lutter contre ce fléau (9/02/2021). Au programme : améliorer les connaissances relatives à la répartition des cétacés dans la région, équiper les 87 chalutiers de la zone avec des « pingers » [répulsifs acoustiques, NDLR], ou encore, publier un bulletin bimensuel comptabilisant le nombre d’animaux échoués sur les côtes françaises.

La ministre exclut cependant toute interdiction temporaire de la pêche dans le Golfe de Gascogne. « C’est un manque de courage honteux de la part du gouvernement, qui choisit de ménager les pêcheurs, dénonce Christine Grandjean, présidente de l’association C’est Assez!, partenaire de la Fondation 30 Millions d’Amis. Jusqu’à 12.000 dauphins meurent chaque année à cause des filets en France ; à ce stade, je ne parlerai plus de « capture accidentelle » mais de « capture systématique » ! » Un constat partagé par Lamya Essemlali, présidente de l’ONG Sea Sheperd France : « Les scientifiques sont unanimes : la mesure clé serait de réduire l’effort de pêche. Excluant cette proposition, le plan est bancal. Tout cela n’est qu’un écran de fumée qui ne changera rien aux captures de cétacés. Ce n’est que de la communication.« 

Les pingers, contre-productifs voire dangereux ?

Parmi les mesures annoncées, la pose de répulsifs acoustiques (« pingers ») – dans un premier temps accueillie comme une bonne solution – sur les navires, pourrait in fine s’avérer contre-productive, voire dangereuse pour les cétacés. « De façon logique, les pêcheurs vont là où il y a des bancs de poissons. Si vous équipez les bateaux avec ces dispositifs, vous risquez donc d’éloigner les dauphins de leur zone de nourrissage« , avertit Christine Grandjean. « Il y a deux possibilités à distinguer, précise de son côté Lamya Essemlali. Le fait de placer des pingers de chaque côté du chalut [engin de pêche, NDLR] peut avoir l’effet inverse de celui recherché, les dauphins finissant au bout d’un certain temps par associer le signal à la présence de nourriture (poisson à proximité). D’un autre côté, vous pouvez décider de déployer des pingers sur l’ensemble des fileyeurs, soit sur des dizaines de milliers de kilomètres de filets. Là, le risque est en effet d’aboutir à un phénomène d’exclusion massive des dauphins de leur zone de nourrissage, avec des cétacés repoussés vers des zones moins poissonneuses.« 

 

Se retrancher derrière un « manque d’informations scientifiques », c’est prendre les gens pour des imbéciles.
C. Grandjean, C’est Assez!

D’autres « engagements » de la ministre de la Mer pourraient en revanche selon les associations se montrer efficaces… à condition de revêtir un caractère obligatoire. Or, le plan actuel prévoit de « tester » l’embarquement des caméras à bord sur les fileyeurs et de mener une campagne d’observation « volontaire » des pêches à bord des chalutiers et des fileyeurs. « La ministre a pour l’instant réussi à convaincre 5 fileyeurs de s’équiper de caméras, avec un objectif de 20 sur une flotte de plusieurs centaines, s’indigne la représentante de Sea Sheperd. Quant aux observateurs à bord, c’est le même problème. Sur la base du volontariat, les pêcheurs vont refuser dans 90 % des cas et dans les 10 % restants, ils vont pouvoir choisir sur quels bateaux et à quel moment les observateurs seront présents. » « Pour être efficace, il faudrait que l’ensemble des navires soient équipés de caméras, et que des observateurs soient présents à bord des bateaux à tour de rôle« , confirme la responsable de C’est Assez!.

« Consomm-acteurs », mobilisez-vous !

 

Si nous n’agissons pas pour ces animaux charismatiques que sont les dauphins, alors, quel espoir pour les autres ?
L. Essemlali, Sea Sheperd

L’ire des protecteurs des animaux concerne également les « engagements » à caractère « informatif » du gouvernement. A savoir : « Relever les échouages, publier les données sur le site du Ministère de la mer et rendre compte de l’avancée des actions », « mettre en place des programmes d’observation aérienne » et « démarrer un projet international avec l’Espagne et le Portugal sur les captures accidentelles de cétacés ». « Se retrancher derrière un soi-disant manque d’informations scientifiques, c’est prendre les gens pour des imbéciles, réagit Christine Grandjean. L’aire de répartition des dauphins ? On sait déjà où ils se trouvent ! » « L’observatoire Pélagis publie régulièrement des comptes-rendus détaillés sur les échouages et sur les causes de décès des animaux révélées par autopsie, confirme Lamya Essemlali. On connaît déjà le problème, on a déjà les solutions. A quoi bon proposer de telles mesures, si ce n’est pour gagner du temps ?« 

Si l’Etat ne semble pas prêt à se montrer à la hauteur des enjeux en matière de protection des cétacés dans leur milieu naturel, les citoyens peuvent, eux, agir à leur échelle, estiment toutefois les défenseurs de l’océan. « En France et dans le monde, notre consommation de poisson a doublé en 50 ans. Les dauphins sont les victimes collatérales de cette surconsommation. En mangeant trop de poisson, nous sommes en train de vider l’océan, alerte la présidente de Sea Sheperd France. La capture des dauphins, c’est l’arbre qui cache la forêt. Si nous ne réagissons pas à temps pour ces animaux charismatiques – les meilleurs ambassadeurs de l’océan – alors, quel espoir pour les autres ? » C’est donc au consomm-acteur de se saisir de son pouvoir pour amorcer un changement durable. A bon entendeur…

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