Meysam (un pseudonyme) est un soldat de « l’économie de résistance », prônée par le Guide suprême, Ali Khamenei. Sa mission : contourner les sanctions américaines, en vigueur depuis que l’ex-président américain Donald Trump a quitté, en mai 2018, l’accord sur le nucléaire iranien âprement négocié trois ans plus tôt.
« Avec ce dernier tour de vis, nos difficultés atteignent des sommets. Je ne vois pas comment ça pourrait être pire », analyse Meysam, qui exporte depuis dix ans des polymères, des minéraux et des produits pétrochimiques, un secteur visé par l’embargo américain. « Mais nous ne sommes pas restés les bras croisés. Les Iraniens ont trouvé des voies très efficaces pour passer outre. »
Lui-même utilise un montage sophistiqué d’entreprises enregistrées à l’étranger, notamment en Turquie, à Dubaï et à Oman, avec des employés locaux, et n’hésite pas à faire appel à des organisations spécialisées dans la falsification de documents.
Cet Iranien d’une trentaine d’années, rencontré dans ses bureaux modernes ornés de tableaux d’art minimalistes sur la rive asiatique d’Istanbul, en Turquie, ne vit pas selon les préceptes prônés par le régime de Téhéran. Il boit de l’alcool et habite avec sa compagne sans l’avoir épousée, alors que sa famille appartient au sérail de la République islamique, ce qui lui fait profiter d’informations et de rentes.
Nombre de ses amis avaient espéré des jours meilleurs après la signature de l’accord sur le nucléaire de 2015, comptant sur une arrivée massive d’investisseurs européens et un nouvel environnement propice aux affaires. Pas Meysam. Lui a préféré « rester lucide » et se tenir « prêt à d’éventuels nouveaux cycles de rétorsion » à l’encontre de Téhéran. Dès 2016, alors que les sanctions américaines commencent à s’alléger, il s’est procuré un passeport délivré par un paradis fiscal pour la somme de 100 000 dollars (82 460 euros). Depuis, il a aussi obtenu un passeport turc moyennant l’achat d’un bien immobilier à Istanbul d’une valeur supérieure à 250 000 dollars. Ces documents lui permettent de voyager à l’abri des soupçons que ne manque jamais d’éveiller sa nationalité iranienne chez les douaniers.
Des scénarios « d’une logique imparable »
Avec l’expérience, Meysam a appris à se montrer prudent : ainsi, son nom n’apparaît pas dans les sociétés qu’il a créées. « Ces sanctions sont tellement strictes que, si le fonctionnaire d’une banque turque s’aperçoit de la présence d’un employé iranien dans votre bureau, ce sont tous les comptes de la société qui seront gelés, soutient Meysam. Il y a trois ans, on avait publié dans un journal turc une offre d’emploi pour un Iranien. Nos comptes ont été bloqués, rien que pour ça ! »
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