Elu procureur général, le britannique Karim Khan s’apprête à devenir le nouveau visage de la Cour pénale internationale (CPI). Et ce magistral orateur devrait aussi lui donner une voix. Karim Khan a été élu, vendredi 12 février, par 72 voix sur les 123 Etats parties à la Cour pénale internationale (CPI) réunis à New York, au terme d’une rude bataille de dix-huit mois. Sa prédécesseure, Fatou Bensouda, avait été nommée par consensus en 2010, avec le soutien de 67 Etats. En juin, Karim Khan devra quitter Bagdad, où il dirige depuis 2018 l’enquête de l’ONU sur les crimes de l’organisation Etat islamique (EI) en Irak.
Le nouveau procureur débutera le 16 juin un mandat de neuf ans. « Presque une sentence ! », s’amuse un juriste de la Cour, tant la tâche s’annonce colossale. En arrivant à La Haye, l’avocat trouvera sur son bureau des enquêtes ouvertes dans treize pays, dont celles sur l’Afghanistan et la Palestine pour lesquelles Washington avait émis des sanctions contre l’actuelle procureure, Fatou Bensouda, sanctions que l’administration Biden promet de réexaminer.
Des affaires qui divisent les Etats parties
Ouverte en mars 2020, l’affaire sur l’Afghanistan vise, outre les Talibans et les services sécuritaires du pays, les crimes commis par les forces américaines et internationales, et les prisons secrètes de la CIA, en Pologne, en Lituanie et en Roumanie. Sur la Palestine, la Cour enquête sur les crimes du Hamas et de l’armée israélienne lors de la guerre de l’été 2014 à Gaza et sur la colonisation des territoires. « En tant qu’avocat britannique, Khan sera confronté à des questions difficiles sur sa philosophie de poursuites vis-à-vis des puissances occidentales, en particulier du Royaume-Uni mais aussi des Etats-Unis et d’Israël », a estimé le chercheur Patryk Labuda sur Twitter.
L’affaire Palestine divise au sein même des Etats parties. Avant le vote, vendredi soir, la délégation palestinienne a dénoncé de récentes déclarations publiques des ministres des affaires étrangères allemand et hongrois, s’opposant à la compétence de la Cour. Une poignée d’Etats dénie même à Ramallah le droit d’afficher « Etat de Palestine » au sein de l’Assemblée.
« Difficile de prédire ce que fera Karim Khan sur ces dossiers-là », estime le délégué d’un Etat européen, s’empressant d’ajouter qu’« il fera ce qu’il veut, pour le meilleur et pour le pire ». Car Karim Khan a du caractère, parfois imprévisible, comme lors de cet incroyable coup de théâtre à l’ouverture du procès de l’ex-président du Liberia, Charles Taylor, en 2007. L’avocat avait quitté la salle d’audience, refusant d’obéir au juge qui lui ordonnait de défendre son client contre son gré.
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