Publié le : 12/02/2021 – 21:10
La contestation ne cesse de s’intensifier en Birmanie après le coup d’État du 1er février et les manifestants ont progressivement pris les rues. Des rassemblements ont été réprimés par la police, notamment le 9 février dans la capitale Naypyidaw. Des images amateur ont permis de confirmer qu’une jeune femme a reçu une balle dans la tête pendant une charge policière. Elle a perdu la vie ce vendredi 12 février après plusieurs jours passés en soins intensifs.
Face aux rassemblements de milliers de Birmans dans plus de 300 localités le 8 février, les militaires arrivés au pouvoir une semaine plus tôt imposent un couvre-feu et une interdiction de se réunir. En vain : les manifestations se poursuivent.
Le matin du 9 février, les alentours du rond-point Thapyaygone à Naypyidaw se remplissent de manifestants contestant le coup d’État orchestré par l’armée birmane pour démettre le gouvernement élu, dirigé par Aung San Suu Kyi.
Dans une vidéo publiée le jour même sur Facebook, on voit une femme en tee-shirt rouge observer les policiers depuis le côté du boulevard où ils avancent. Une salve de canon à eau est lancée en direction des manifestants. La jeune femme fait partie d’un groupe qui s’est abrité près d’un arrêt de bus.
En fond sonore, on distingue au moins deux détonations avant que la jeune femme en question ne tombe subitement au sol et reste ensuite inanimée.
Plusieurs personnes s’approchent d’elle et déplacent son corps tandis que la police avance et continue d’actionner le canon à eau dans leur direction. Un groupe tente alors de la relever, sans succès. Il finit par la porter tout en s’éloignant des policiers.
Tout au long de cette séquence, la jeune femme est inerte.
Selon des enquêtes de la BBC et de Human Rights Watch, la jeune femme s’appelle Mya Thwe Thwe Khaing et a été touchée par une balle réelle au niveau du crâne. Après plusieurs jours passés en état de « mort cérébrale », son décès a été confirmé par la presse locale vendredi 12 février.
De nombreux internautes ont également partagé une photo, initialement diffusée par l’AFP, où l’on distingue un officier portant un clone d’Uzi BA-94 ou BA-93, un pistolet-mitrailleur semi-automatique de fabrication birmane, dans le cadre de cette manifestation. On le voit viser à hauteur d’homme, sans distinguer s’il cible la foule des manifestants. Selon les métadonnées attachées au fichier, la photo a été prise à 13 h 02, heure locale.
Ces révélations viennent contredire celles diffusées par l’ »unité Informations véritables » de l’armée, qui a déclaré que les forces de sécurité ont uniquement déployé des armes non létales, rapporte Amnesty.
« J’ai entendu des coups de feu qui provenaient des policiers »
Le médecin Khemar M. vit et travaille à Naypyidaw. Il a rejoint le mouvement de désobéissance civile à la suite du coup d’État et travaille régulièrement dans les centres de santé alternatifs créés entre autres pour soigner les manifestants. Il ne travaillait pas le 9 février mais a participé au rassemblement.
Les manifestants étaient calmes et pacifiques, un grand nombre d’entre eux protestaient assis face aux policiers. Vers midi, ces derniers ont demandé aux manifestants de se disperser, ce qu’ils ont refusé de faire. Ils ont alors visé la foule avec des canons à eau. Un manifestant s’est alors énervé et a jeté une bouteille d’eau en plastique vide en direction du canon à eau.
{{ scope.counterText }}
{{ scope.counterText }}
C’est à ce moment-là que la situation a dégénéré et que la police a commencé à charger et à utiliser massivement les canons à eau. Certains manifestants ont répliqué en lançant des emballages de nourriture ou des bouteilles vides qui avaient été distribuées un peu plus tôt.
À ce moment-là, j’ai entendu des coups de feu qui provenaient des policiers, sans vraiment savoir si c’étaient des balles réelles ou en plastique.
J’étais tout près de l’endroit où Mya Thwe Thwe Khaing a été touchée. Sur le moment, je n’ai pas vraiment compris ce qu’il se passait, mais je me souviens avoir vu l’attroupement à cet endroit-là. Quand j’y repense aujourd’hui, je suis vraiment troublé. Elle essayait de se cacher, comme moi à ce moment-là, elle ne présentait aucune menace, ne bloquait pas l’avancée des policiers. Mais ils ont quand même visé et tiré sur elle.
J’ai pu discuter avec mes collègues qui étaient à notre centre médical ce jour-là, ils ont compté 12 blessés par balles, dont au moins deux par balles réelles, et 50 autres blessés, notamment par les canons à eau. Ils m’ont confirmé que la balle qui s’était logée dans le crâne de Mya Thwe Thwe Khaing était réelle et correspondait au fusil BA-94 que portaient certains policiers ce jour-là.
RIP
Ms Myat Thet Thet Khaing
One girl died at Nay Pyi Taw due to head shot. Is Head-shot allowed in handling the protesting crowd? They should shoot only at non-vital areas.
If anyone is capable of reporting it to the UN, please do…. pic.twitter.com/fbM5QBjXCM— Htain Lynn (@Htainlynnkha) February 9, 2021
« Stop Crime Against Humanity »
« Support US »
« Send Us Humanitarian aid »Ma Myat Thet Thet Khaing (19-years) has been…
Publiée par Phyo M Yin sur Mardi 9 février 2021
Ces images montrent, selon les internautes, les scanographies de Mya Thwe Thwe Khaing et la balle qui y a été trouvée.
Nous n’avons pas de nouvelles de la deuxième personne touchée par balle, elle a été transférée à l’hôpital. Nous suspectons la junte de filtrer toute information à son sujet, compte tenu du scandale déjà suscité par le cas de Mya Thwe Thwe Khaing.
L’ONU a condamné un usage « disproportionné » et « inacceptable » de la force par l’armée. « De nombreux protestataires ont été blessés, dont certains grièvement », d’après des rapports reçus de plusieurs villes du pays, a déclaré Ola Almgren, coordonnateur résident des Nations unies en Birmanie. Le coup d’Etat du 1er février a mis fin à un court épisode démocratique entamé en 2010.
L’article Birmanie : une vidéo documente l’utilisation de balles réelles sur les manifestants anti-coup d’État est apparu en premier sur zimo news.