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Mali : à Kidal, la paix en suspens

Au sortir de la réunion du Comité de suivi de l’accord d’Alger, devant le gouvernorat de Kidal, le 11 février 2021. Au sortir de la réunion du Comité de suivi de l’accord d’Alger, devant le gouvernorat de Kidal, le 11 février 2021.

Le symbole est là, s’agitant au bout d’un mât. Pour la première fois depuis 2012, le drapeau malien flotte sur Kidal, ville du nord-est du pays et bastion de l’ex-rébellion à dominante touareg désormais réunie au sein de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA).

L’étendard n’est resté planté que pour cette journée du jeudi 11 février et la venue d’une délégation gouvernementale, accompagnée de la plupart des diplomates qui comptent au Mali. « C’est hautement symbolique », glisse un ambassadeur européen venu de Bamako pour cette 42e réunion du Comité de suivi de l’accord d’Alger (CSA). Six ans après sa signature, en 2015, cet accord entre les différents groupes armés et le gouvernement malien demeure l’unique voie de sortie de crise dessinée par les partenaires internationaux du Mali, même si les réticences locales n’ont cessé de retarder son application.

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A Kidal, fief de toutes les rébellions touareg depuis l’indépendance du Mali, la présence de l’Etat est timide, pour ne pas dire inexistante. Le gouverneur, installé en novembre 2020, en est le seul représentant. Pour abriter les discussions entre les parties, le gouvernorat a été sécurisé par les casques bleus et les ex-rebelles. Les rêves d’indépendance – ou au minimum d’autonomie – dans cette région désertique ne se sont pas taris, comme en attestent les drapeaux de l’Azawad et les inscriptions à la gloire du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA).

Des promesses, peu de réalisations

L’accord d’Alger prévoit en priorité une refonte institutionnelle qui donnera aux collectivités territoriales « des pouvoirs étendus », d’une part, et un « redéploiement des forces armées et de sécurité reconstituées », d’autre part. Mais les promesses de paix n’ont produit que peu de réalisations. Ainsi, le désarmement, qui devait prendre soixante jours, n’a quasiment pas commencé.

L’accord, poussé part la communauté internationale, « est encore loin d’atteindre ses objectifs et le processus de paix n’est toujours pas irréversible », notait un rapport du Carter Center en décembre 2020 : « Cette réalité est largement imputable au comportement des parties. […] Le gouvernement et les deux coalitions de mouvements armés signataires, à savoir la CMA et la Plateforme [une coalition de groupes armés favorable à Bamako], ont marqué des résistances à l’avancement de sa mise en œuvre, accroissant les obstacles et contribuant ainsi à la détérioration de la situation sécuritaire et aux problèmes de gouvernance. »

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Installées après le coup d’Etat du 18 août 2020 et toujours fortement teintées de kaki, les nouvelles autorités semblent avoir convaincu les diplomates occidentaux de leur volonté d’accélérer la mise en œuvre de l’accord. Intervenant par visioconférence, le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a ainsi noté que « beaucoup de chemin a été parcouru ces derniers mois pour réchauffer les relations entre parties et relancer une dynamique positive autour du processus de paix ». Les Maliens auront noté la pique adressée à la précédente équipe et au président renversé, Ibrahim Boubacar Keïta, avec qui les relations s’étaient progressivement tendues.

« Ils sont venus prendre des selfies »

L’un des points d’achoppement demeure la force dite « reconstituée », qui devra à terme regrouper des soldats de l’armée régulière et des combattants démobilisés de la CMA et de la Plateforme. Celle-ci existe sur le papier, mais un an après son arrivée dans la ville, ses faits d’armes sont encore une fiction. « C’est une photo, balaie un combattant de la CMA. Ces soldats restent dans leur caserne toute la journée sans en bouger. » Devant les réticences, les diplomates promettent que le dernier bataillon « arrivera bientôt ».

En attendant que le retour de l’Etat se matérialise dans le septentrion, de nouvelles rencontres sont prévues. Avec toujours cette volonté de faire accepter un accord que nombre de Maliens perçoivent comme le point de départ d’une dislocation de leur nation. « Nous envisageons de tenir de prochaines réunions du CSA dans d’autres régions du pays, y compris au sud, à Kayes ou Sikasso, afin de faire de la pédagogie sur l’accord », explique un diplomate français. L’accord d’Alger ne tient en effet pas compte de la mosaïque de communautés qui composent le Mali et ne propose aucune solution pour le centre du pays, qui s’est enflammé après sa signature. « Nous avons besoin de redéfinir l’indépendance dans un Mali nouveau, qui fait confiance à toutes les populations en tenant compte de leurs divergences et de leurs différences », veut croire Attaye Ag Mohamed, un cadre de la CMA.

Reste que le nord du Mali n’a perdu ni ses tendances séparatistes, ni sa désillusion sur tout ce qui lui semble porté par Bamako. « Les gens sont venus pour prendre des selfies et repartir sans que nous, Kidalois, voyions un seul changement », fulmine Aminatou Wallet Bibi, présidente d’une association de femmes et membre du CSA. Avant de faire connaître ses intentions dès que les représentants de l’Etat malien et les diplomates seront partis : « Le fanion est ici depuis hier soir, mais nous allons vite le faire descendre. »

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