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Comment l’industrie résiste dans la crise

Au milieu de l’hiver de la crise, il y a presque un air de printemps qui flotte sur l’industrie. Bruno Le Maire y croit : il est allé humer ce changement d’atmosphère, mardi 9 février chez Lacroix électronique, dans le Maine-et-Loire. L’entreprise d’électronique a été sélectionnée dans le cadre du volet « relocalisations » du plan de Relance, avec son projet visant à créer une usine connectée à Beaupréau-en-Mauges.

Autre hirondelle dans un ciel pourtant sombre : après une décennie de crise intense, le verrier Arc promet d’embaucher 225 CDI sur ses terres du Pas-de-Calais. Quant aux emblématiques cycles Mercier, ils vont créer une usine près de Charleville-Mézières dont sortiront, avant la fin de l’année, des vélos fabriqués en France. Ils entraîneront dans leurs roues, 270 emplois directs. « Une renaissance », s’enthousiasme Jean Guion, premier adjoint au maire de Revin, qui va accueillir l’investissement de 2,4 millions d’euros. « C’est la première fois depuis bien longtemps que l’on voit une implantation d’une telle importance », explique-t-il, en égrenant les départs qui ont émaillé la rude chronique sociale de la ville, depuis Arthur Martin jusqu’à Electrolux, en passant par Porcher.

Les carnets de commandes se remplissent

C’est un paradoxe de la crise, alors que, depuis des décennies, l’économie française n’attendait le salut que de ses

services, c’est l’industrie qui donne aujourd’hui quelques frémissements d’espoir. Selon la dernière enquête d’opinion de la Banque de France, les industriels voient ainsi en janvier « les carnets de commandes poursuivre leur progression et revenir quasiment à la normale ». La reprise d’activité est, pour l’heure, bien plus rapide que lors de la précédente crise de 2009.

 

(Source : Banque de France) 

Plus sereins sur la suite des évènements, les industriels engagent plus volontiers des investissements. Le 4 février, l’Insee prévoyait une hausse de 10 % des investissements dans ce secteur pour l’année, après une chute de 13 % en 2020. « Ce rebond, s’il se réalise, devrait permettre d’éviter à l’industrie manufacturière de passer sous la barre de 10% de la valeur ajoutée produite en France, analyse Olivier Lluansi, associé chez PwC France et Maghreb et ancien conseiller industrie de François Hollande. En deçà de ce niveau, nous perdrions sans doute la taille critique pour maintenir un véritable outil industriel pérenne. »

Usines modernisées et connectées

Même sur le front de l’emploi, la résistance s’organise : selon l’Apec, 16 % des industriels souhaitent embaucher au moins un cadre sous trois mois, soit un doublement par rapport au trimestre précédent. « Il faut être très prudent, car ces anticipations bougent au rythme de la situation sanitaire, prévient Pierre Lamblin, directeur des études de l’association. Mais le mouvement de modernisation engagé par l’industrie depuis une dizaine d’années, notamment avec sa numérisation des process, va se poursuivre, malgré la crise. Et pour cela, il faudra recruter. »

Cet optimisme prudent est partagé par l’institut Trendeo, dans son étude sur l’emploi du 2 février. L’an dernier, l’industrie a amorti le choc – si rude fût-il. Près de 15.000 emplois y ont été détruits en 2020, rayant notamment d’un trait de plume onze années de création d’emplois dans l’aéronautique. Toutefois, ces 15.000 emplois ne représentent qu’un tiers de ceux perdus en 2009.

Délocalisations en berne

Une explication : à la différence des lendemains post-subprimes, les industriels n’ont pas entamé de délocalisations massives. Les emplois délocalisés (1.718) ont été à peine supérieurs à ceux réimplantés dans l’Hexagone (1.655), selon Trendeo. « Ces délocalisations sont essentiellement le fait des grands groupes, qui ont les capacités d’envoyer leurs productions en Asie ou en Europe Centrale, analyse Olivier Lluansi. Or en trente ans, ces derniers ont déjà délocalisé pratiquement tout ce qui pouvait l’être. Quant aux PME et aux ETI, leur savoir-faire et leur main-d’œuvre sont plutôt localisés ici, dans l’Hexagone. Elles devront donc trouver d’autres solutions pour traverser la crise. »

Pour ces dernières, la baisse des impôts de production, les mesures de chômage partiel et les prêts garantis par l’Etat ont donc été particulièrement bienvenus. Bercy a également été surpris par la forte demande de soutien à la digitalisation des PME, avec 7.400 projets au compteur. Les aides à la relocalisation ont pour leur part été attribuées à 65 projets à ce jour, soit un doublement depuis novembre, pour un total de un milliard d’euros d’investissement, dont plus d’un quart étant de l’argent public. Bruno Le Maire a donc décidé d’ajouter 400 millions d’euros de financement à ce programme, initialement budgété à un milliard d’euros.

Signe des temps, le Cercle des économistes, qui ne s’était jamais beaucoup préoccupé d’industrie jusqu’alors, a consacré une journée entière, le 4 février, à ce sujet. Dans son communiqué final, l’association appelle notamment à « créer un grand ministère de l’industrie et de la recherche ». Si la reconquête industrielle sur le terrain va nécessiter encore bien des efforts, la bataille culturelle semble, elle, bien engagée.

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