Cuba a annoncé samedi que l’activité privée serait désormais autorisée dans la plupart des secteurs, une réforme majeure dans ce pays où l’Etat et ses entreprises dominent l’économie, durement touchée par la pandémie.
La mesure, dévoilée en août dernier par la ministre du Travail, Marta Elena Feito, a été approuvée vendredi en Conseil des ministres, selon le quotidien officiel Granma, du Parti communiste au pouvoir.
« C’est un pas énorme et historique », a commenté sur Facebook Oniel Diaz, entrepreneur et patron du cabinet de consultants Auge, qui conseille une cinquantaine d’entrepreneurs privés cubains.
La révolution socialiste menée par Fidel Castro en 1959 avait entraîné une vague de nationalisations et la main-mise de l’Etat sur l’ensemble de l’économie cubaine.
L’ouverture au secteur privé a commencé timidement dans les années 1990 avant d’être pleinement autorisée en 2010, même si son véritable essor date du réchauffement historique entre Cuba et les Etats-Unis initié fin 2014 sous Barack Obama. Mais il restait cantonné à une liste d’activités fixée par l’Etat.
« La liste antérieure des 127 activités (autorisées) est éliminée », a indiqué la ministre du Travail.
A l’inverse, désormais une liste fixera les secteurs réservés à l’Etat, qui ne seront qu’une minorité: « sur les plus de 2.000 activités dans lesquelles est permis l’exercice de travail privé (…), ne seront limitées, de façon partielle ou totale, que 124 », a-t-elle expliqué, sans plus de détails.
– « Augmenter l’emploi » –
Des secteurs stratégiques comme la presse, la santé et la défense devraient rester interdits à l’activité privée.
« Que le travail privé continue à se développer, c’est l’objectif de cette réforme de perfectionnement » du secteur, a assuré la ministre.
La réforme est « une étape importante pour augmenter l’emploi », a souligné sur Twitter le ministre de l’Economie Alejandro Gil. Elle va « dans le même sens que l’unification monétaire » entrée en vigueur début janvier.
Ces deux réformes visent à relancer l’économie: elle a chuté de 11% en 2020 sous l’effet de la pandémie de coronavirus, qui a privé Cuba des précieuses devises des touristes.
La libéralisation du secteur privé est « une étape très positive, même si elle arrive tard », car « jusqu’à présent le travail privé fonctionnait de manière très limitée » sur l’île, commente à l’AFP l’économiste Ricardo Torres, de l’université de La Havane.
« Il était nécessaire d’accompagner l’unification monétaire avec des mesures pour flexibiliser la création d’emplois » et c’est justement dans le secteur privé qu’ »il peut y avoir une source importante d’emplois », ajoute-t-il.
Plus de 600.000 Cubains travaillent dans le privé, soit 14,5% de la population active, dans cette île de 11,2 millions d’habitants. Ils sont employés essentiellement dans la gastronomie, les transports (taxis) et la location de chambres aux touristes.
– Et les PME? –
Selon la ministre du Travail, le secteur privé « a été durement touché par le renforcement de l’embargo » américain sous l’administration de Donald Trump et « aussi par les effets de la pandémie », qui a poussé nombre d’entre eux à suspendre leur licence (jusqu’à 40% du total selon les chiffres officiels).
Oniel Diaz salue justement la ténacité des entrepreneurs privés qui, depuis des années, « ont été capables de monter des activités contre vents et marée » et malgré « la pénurie de matières premières, les régulations déficientes et les sanctions économiques ».
Le « nouveau scénario avec une multiplication exponentielle des possibilités ouvre un chemin sur lequel il n’y aura pas de retour en arrière possible, afin que nous jouions un rôle de plus en plus important dans l’économie nationale ».
Pour faciliter les choses, le gouvernement a également annoncé la création d’un guichet unique pour solliciter sa licence dans le privé. « Il est important que cela se passe bien », a souligné le Premier ministre Manuel Marrero.
Mais il reste une revendication en suspens: la possibilité de créer des petites et moyennes entreprises. Sur Twitter, l’économiste Pedro Monreal se demande si cette réforme « sera le premier » pas avant l’approbation des PME, que le gouvernement étudie depuis 2016.
« La réforme doit donner la priorité aux PME privées car celles-ci offrent un meilleur potentiel de productivité pour les travailleurs », estime-t-il.
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